todo list et mécanique quantique …

Un post un peu transversal, où nous allons passer de la physique quantique à l’entrainement et à la gestion du temps, avec une parenthèse sur l’éducation.

Tout est relatif, mais pas commutatif !

J’aime beaucoup les podcasts et les livres d’Etienne Klein, espèce d’ovni intellectuel,  ingénieur et spécialiste de mécanique quantique, capable dans la même phrase d’expliquer simplement un concept,  de caser un anagramme improbable et de faire une incise sur les Rolling Stones.

L’autre jour dans la voiture, coincé dans un bouchon telle une molécule embouteillée en train de générer de l’entropie,  j’écoute sa chronique sur «comment le temps passe ? ». Pour un physicien, le temps,  variable de l’espace-temps, est un objet étrange puisqu’il s’ « écoule » : le présent disparaît en permanence, remplacés par le futur qui devient le présent, qui devient lui même le passé, etc.

Sujet sur lequel les physiciens et les philosophes se cassent les dents depuis la nuit des temps, justement 🙂

Une solution proposée est que le temps soit subjectif, donc n’existe que parce qu’ un sujet en a conscience : c’est le cerveau qui fabrique le temps.  Sauf que le temps passait déjà bien avant que les humains existent.

Certaines pistes de recherche actuelles en mécanique quantique amènent l’hypothèse que l’écoulement du temps est lié au à la non-commutativité de la mécanique quantique. La commutativité c’est dire que 2*3 = 3*2, mais mon explication s’arrêtera là car mon être mathématique se crispe et je pulvérise mon niveau d’incompétence.

Si vous voulez écouter le podcast, il est sur le site de France Culture.

Optimiser l’écoulement du temps ?

Dans notre subjectivité, le temps passe, s’écoule plus ou moins vite en fonction de ce que nous faisons, et nous essayons de l’utiliser tant bien que mal, en sachant que c’est une ressource finie : n’étant pas  immortels, nous avons un temps sur terre limité. Conscience qui s’aiguise avec le temps qui passe d’ailleurs : c’est plus une préoccupation de cinquantenaire que d’adolescent; moins on a de temps qui reste, plus il est précieux !

Le sport et l’entrainement amènent à prendre conscience de cet « écoulement » et de la question du « retour sur investissement du temps qu’on investit dans une activité ».

Tout le monde cherche à avoir un entrainement le plus efficace possible –  avoir le plus de résultats en y passant le moins de temps. Même si on peut apprécier la méditation des sorties en endurance en forêt : personnellement j’adore partir en sortie longue, sans aucun appareillage autre que le cardio, et laisser mon cerveau divaguer en remplissant mes poumons. La littérature sportive récente regorge des débats sur l’efficacité du HIIT (High Intensity Interval Training) versus le Cardio classique, où ou aurait des résultats similaires au niveau adaptatif en y passant 3 ou 4 fois moins de temps.

C’est sur que quand il faut caler 5 séances d’entrainement par semaine (donc en gros 7 à 8 heures) , il est nécessaire de faire des arbitrages et on est naturellement amené à se demander comment gagner du temps ailleurs.  Dans le dernier numéro de Zatopek (où on retrouve aussi Etienne Klein) on indique une nouvelle méthode d’entrainement qui consiste à faire des 30-20-10, 30 secondes lent, 20 rapides et 10 à fond, récup et répétition.  Quand je fais une sortie LMVL je fais à la fois une sortie longue en endurance et du travail qualitatif …

Décisions, décisions … 

Le plus gros investissement en temps dans nos vies de sportifs amateurs,  c’est en général le travail. Temps segmenté de manière quasi-quantique, avec une interruption toutes les 3 minutes en moyenne pour les cadres et l’impression que rien n’avance (paradoxe de zenon au travail : « plus on travaille, moins on produit ») ; et une todo list qui ressemble pendant la journée au tonneau des Danaides et le soir au rocher de Sysiphe.

Autre caractéristique : au cours de la  la journée, il y a du temps passé à des tas de choses inutiles, et, souvent, à agoniser sur des prises de décision, que ce soit sur des aspects professionnels ou personnels.

Aaah … décider, avoir du libre arbitre, être maitre de sa destinée à tout instant …  c’est tellement grisant … et tellement piégeant aussi.

Dans un podcast avec Abel James, le coach sportif/entrepreneur internet Craig Ballantyne sort un concept assez intéressant (pour moi).  Il explique que les décisions, ça prend du temps et ça consomme de l’énergie mentale, et que notre capacité à le faire est en réalitée assez limitée. C’est sur que d’un point de vue de l’évolution, les décisions à prendre pour un homme paléolithique étaient sans doute moins nombreuses que pour nous, et beaucoup plus impliquantes.

Si on y réfléchit, nous prenons des tas de décisions qui n’ont aucune espèce d’importance:  au travail, à cause de process pas assez bien définis, et à la maison, à cause de l’abondance, garde robe trop remplie, trop de livres de cuisine, trop de chaines de télé, ou de trop de blogs à lire …  J’ai donné un point de vue sur l’abondance et le problème qu’elle pose dans ce post et ce post.

La stratégie de Ballantyne consiste à s’auto contraindre, à s’imposer des règles pour réduire la quantité de décisions qu’il a à prendre dans la journée.  Lever et coucher à heure fixe,  alimentation tirée au cordeau, pas d’email avant 11 heures du matin, une heure d’écriture au réveil, etc.

Décider de règles pour sa propre vie et s’y tenir.  Pour moi qui « savoure » ma liberté de faire ce que je veux quand je veux, mais qui suis scotché à mon mail et qui n’ai pas le temps de faire la moitié de ce que voudrais faire … ça pose question.

Il peut paraître paradoxal de trouver de la liberté dans la contrainte, mais la contrainte peut permettre de retrouver des espaces de liberté, en rendant disponible du temps qui sinon est consommé inutilement et ne génère rien de satisfaisant.

Apprendre en ne faisait rien …

Pour venir rajouter un peu de vision latérale, un article très intéressant sur l’éducation des enfants, qui vante la nécessité du jeu, mode d’apprentissage commun à toutes les espèces animales. Point d’ailleurs revendiqué également dans les « manuels de vie paléo», comme le dernier livre de Mark Sisson. Prendre du temps pour jouer et ne rien faire.

J’ai fait des cabanes dans les bois et passé des après midi à crapahuter dans les champs, mais aujourd’hui la pression pour la réussite scolaire et la quantité de trucs qu’on a l’impression que les enfants doivent apprendre fait qu’on les met eux aussi dans un univers hyper-contraint et morcelé. Sans compter les univers virtuels qui développent les fonctions cognitives assis dans un canapé – et  ce n’est pas forcément optimal pour leur développement cérébral et physique.

Mais encore ? 

La clé de la liberté serait-elle la contrainte ? Ca sonne un peu comme un sujet de philo de terminale, mais c’est une bonne question quand on manque chroniquement de temps, non  ?

D’ailleurs il faut que j’aille bosser, là. Et si je m’entraine maintenant je vais être en retard parce que j’ai voulu finir ce post ce matin. Zut. J’espère que vous le trouverez intéressant et pas totalement banal, et que vous n’aurez pas eu l’impression de perdre votre temps en le lisant.

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11 commentaires pour todo list et mécanique quantique …

  1. Sylvain dit :

    Intéressant.
    De mon n=1, je constate la même chose. C’est quand je suis sous contrainte (réelle mais limitée tout de même) que je délivre le meilleur, en occupant au mieux chaque seconde de temps libre. Trop de temps libre…et…y a du déchet. De la procrastination. Je n’en veux pas, mais elle revient au galop, si j’ai mal conçu mon emploi du temps avec des trous trop béants (pas de blague vaseuse !). Bon, ce n’est pas totalement ton article c’est juste mon point de vue très étriqué 🙂

    • Julien dit :

      C’est le principe de Parkinson, si vous avez une semaine pour rendre un résultat, vous allez mettre une semaine, si vous avez 48 heures, vous mettrez 48 heures. En se fixant une deadline serré, on est obligé d’être plusefficace, de faire des coupes et de se concentrer sur l’essentiel.

      • paleophil dit :

        Je ne savais pas que ça s’appelait le principe de Parkinson ! Mais ça ne répond pas à la question « comment je fais pour me fixer mes propres règles » ?

        Si c’est une règle extérieure (une proposition à rendre, un entrainement à faire, …) c’est plus « facile » puisqu’on est sous une contrainte externe et sociale (le client, le patron, l’entraineur …).

        Mais seul face à soi-même …

      • Julien dit :

        Parfois, le simple fait de prendre un engagement par écrit envers soi-même peut avoir cet effet.
        Par exemple, dans le cadre professionnel et personnel, je me fixe chaque matin mes trois MIT (Most Important Things) qui doivent être terminées avant de quitter mon post.
        Je réalise le suivi avec une simple feuille A4 (http://davidseah.com/blog/node/the-emergent-task-planner/). Juste le fait de prendre cet engagement aide à le réaliser.
        Il est aussi possible d’augmenter la « pression sociale » en le rendant public ou en demandant à être suivi par un ami ou un collègue.

      • paleophil dit :

        Ca me rappelle les agendas et les cours de gestion du temps des années 90 … mais finalement c’est peut être ça la solution. Ca fonctionne pour toi, tu arrives à te discipliner ?
        Le fait de rendre les choses publiques, j’avis vu ça pour des tâches style « arrêter de fumer » : on le dit à tout le monde et on s’engage publiquement à faire un chèque à une association / groupe qu’on déteste si on n’y arrive pas … Je n’ai pas essayé.
        Merci pour le lien.

    • paleophil dit :

      oui j’ai l’impression qu’on est tous pareils; mais ça serait quand même mieux d’avoir du vrai temps libre et de pouvoir se contraindre à faire un truc en 2 heures si on veut y consacrer 2 heures, quitte à vraiment ne rien faire les deux heures suivantes … mais moi non plus je n’y arrive pas !

  2. Renaud dit :

    Nos choix modernes ne sont pas aussi mécaniques qu’antiques, et c’est encore plus grave à cause de la non commutativité des décisions ? Oulalà, j’dois avoir les quarks et vrac et l’neutrino ramollo…

    Ça va pas t’aider à caresser ta liste « tout-doux » dans le sens du poil, mais p’tet ben que la lecture de ce livre sur le sujet du méchant choix t’intéressera : http://en.wikipedia.org/wiki/The_Paradox_of_Choice:_Why_More_Is_Less

    • paleophil dit :

      décidément tu es incollable, Renaud ! Et lyrique avec ça. J’ai pas lu le livre de Schwartz mais j’ai vu un ted talk où il cause dans le poste et je crois même que j’en ai parlé dans le post sur l’abondance. Pour moi ça reste un dilemme. Je comprends bien le concept mais j’ai quand même 10 paires de pompes pour courir et autant de guitares. Il y a une certaine jouissance à accumuler, c’est sur, mais ça se paye par ailleurs. Pour l’instant je suis toujours en train d’essayer de rationaliser mon alimentation et de minimaliser mon équipement sportif, c’est déjà un pas … mais j’ai du chemin à faire avant de devenir comme Mathieu Ricard !

  3. Julien dit :

    j’aime bien « trouver de la liberté dans la contrainte » : passer moins de temps sur FB, les blogs…

    Mais j’ai du mal… je n’y arrive pas ; ça me dessert. Et en plus je le sais. Mais j’y travaille…

    • paleophil dit :

      l’hyperaccessibilité du numérique nous rend tous un peu dingues je pense. Il y a une espèce de gratification immédiate à se dire « ah un nouvel article, une nouvelle photo de pote sur FB, etc … » et notre « moteur d’interaction sociale, conçu pour interagir dans un groupe de 10 ou 20 personnes, met le turbo et ne sait plus où donner du neurone !

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