le régime cétogène : un anti-oxydant efficace et … gratuit !

En attendant la finalisation de mon interview de Stephen Phinney, voici un post sur l’article qu’il m’a envoyé, parce qu’il vaut son pesant d’anti-oxydants… voire de longévité.

Je viens de récupérer un lien sur l’article, pour les courageux, il est ici.

Et pour les moyens courageux, le communiqué de presse de l’institut de recherche ici : Etude Verdin sur les cétones

Voici le titre :

Suppression of Oxidative Stress by β-hydroxybutyrate, an Endogenous Histone Deacetylase Inhibotor. 

Le résumé :

« Concentrations of acetylcoenzyme A and nicotinamide adenine dinucleotide (NAD+) affect histone acetylation and thereby couple cellular metabolic status and transcriptional regulation. We report that the ketone body D-β-hydroxybutyrate (βOHB)  is  an  endogenous  and  specific  inhibitor  of  class  I  histone  deacetylases   (HDACs).  Administration  of  exogenous  βOHB,  or  fasting  or  calorie  restriction, two conditions  associated  with  increased  βOHB  abundance,  all  increased  global  histone   acetylation  in  mouse  tissues.  Inhibition  of  HDAC  by  βOHB  was  correlated  with  global   changes in transcription, including the genes encoding oxidative stress resistance factors  FOXO3A  and  MT2.  Treatment  of  cells  with  βOHB  increased  histone   acetylation at the Foxo3a and Mt2 promoters, and both genes were activated by selective depletion of HDAC1 and HDAC2. Consistent with increased FOXO3A and MT2 activity, treatment of  mice  with  βOHB  confered  significant  protection  against   oxidative stress. »

Qu’est-ce que ça veut dire ? Nous sommes dans la biochimie pure et dure, ce qui n’est pas totalement ma zone de confort mais je vais essayer quand même.

En résumé,  l’étude concerne les cétones (ketone bodies) et sa conclusion complètement  remarquable que, au delà d’être une source d’énergie pour les muscles et le cerveau, ils ont aussi un rôle dans la transcription de certains gènes qui ont des fonctions antioxydantes et donc peuvent sérieusement nous protéger … si tant est que nous en ayons dans notre organisme.

Quelques éléments de contexte …

L’énergie produite dans le corps humain est générée principalement par les mitochondries, qui sont des organelles présentes dans toutes les cellules « eukaryotes » (avec un noyau).

Ce qui fait contracter les muscles et battre le cœur est l’ATP (Adénosinetriphosphate). Cet ATP présent dans l’organisme, est généré à partir de plusieurs filières chimiques, qui au passage reprennent l’histoire de la vie, ce qui reste pour moi assez fascinant.

L’ATP (unique carburant réel du muscle, on ne le répètera jamais assez) peut être généré et régénéré à travers différentes filières énergétiques.

Les filières « ancestrales » sont « anaérobies », c’est à dire qu’elles n’utilisent pas d’oxygène dans la réaction chimique, mais fonctionnent par fermentation (la glycolyse). La mobilisation est immédiate, mais la réserve est épuisée en quelques secondes. C’est comme ça que les être unicellulaires trouvaient leur énergie il y a plus de deux milliards d’années. On ne courait pas de marathons à l’époque 🙂 Mais l’ invention de la photosynthèse va générer des quantités colossales d’oxygène dans l’atmosphère. Le statut de l’oxygène va passer de déchet toxique à pièce maitresse des processus de génération d’énergie,  grâce aux mitochondries qui vont trouver le moyen de mettre en œuvre des processus de création d’ATP  très efficaces en utilisant l’oxygène dans le processus.  Ça n’empêchera pas l’oxygène de rester un réactif potentiellement toxique pour les être vivants, mais on n’est pas à un paradoxe près (et c’est pour ça qu’on parle d’anti-oxydants, d’ailleurs).

La fabrication d’ ATP dans les processus aérobies utilise principalement du glycogène (ou du glucose) comme comburant – ou des acides gras, dans une complexe série de réactions chimiques, le Cycle de Krebs.

Quand l’organisme « sent » que les réserves de glucose diminuent, le foie commence à fabriquer des cétones (ou corps cétoniques) à partir des acides gras, qui vont pouvoir servir de carburant à la place du glucose, notamment pour le cerveau. L’utilisation des cétones est considéré comme un « pis-aller » quand le corps est en mode survie.

Les cétones ont une image négative, parce qu’elles sont associées à une condition dangereuse du  diabète ; quand un patient diabétique se met à produire une très grande quantité de cétones,  il fait dangereusement baisser le pH de son sang : c’est la «ketoacidosis» ou  acidocetose.

Pour autant, une alimentation très pauvre en glucides va entrainer la fabrication de corps cétoniques, mais dans des proportions bien inférieures, et qui pourront être un carburant de substitution au glucose ; c’est la diète cétonique ou cétogène (nutritional ketosis).

Cela existe depuis un certain temps. C’est une des bases du régime Atkins, et si vous faites une recherche sur le web, vous allez trouver des tas de régimes minceur «cétoniques » ou « cétogènes » basés sur ce principe, notamment le régime Dukan. Et puis avant 10.000 avant JC, avant l’invention de l’agriculture, sans doute bien plus souvent !

Dans les livres de biochimie comme « Metabolism at a glance » de Salway (recommandé si vous voulez comprendre un peu mieux le métabolisme), la conclusion sur les cétones est la suivante : « la production régulée et contrôlée par l’organisme de corps cétoniques met l’organisme dans un état appelé cétose, qui conserve le pH de l’organisme dans ses limites normales, et qui est une adaptation efficace à la pénurie de glucides dans l’alimentation. ».

Quand il n’y a pas assez de glucose, on fabrique des cétones, ça nous permet de survivre en période de disette en utilisant le gras comme carburant. Les coureurs de fond peuvent se poser la question de la keto-adaptation pour courir plus longtemps et plus vite, et les obèses peuvent faire un régime Atkins ou Dukan pour perdre rapidement beaucoup de kilos en se mettant en cétose, et c’était bien utile pour nos ancêtres pendant l’hiver.

L’article de l’équipe d’Eric Verdin amène quelque chose de tout à fait différent sur la table.

Les cétones sont trois molécules différentes, dont le β-Hydroxybutyrate  (βOHB)

La concentration  de βOHB dans le sang passe de 1 à 2 mMol/litre  par litre en cas de jeune, voire 6  à 8 mMol/litre en cas de jeune prolongé et d’exercice long et intense.

Le papier montre que le la concentration de βOHB dans le sang a également un rôle dans la transcription de plus de 280 gènes ! Parmi tous ces gènes, ceux qui réagissent le plus répondent aux doux noms de Foxo3a, Mt2, Lcn2, Lemd3 et Hbp1 ; et tous protègent l’organisme contre le stress oxydatif.  Foxo3a est notamment considéré comme un gène important pour la longévité de l’organisme.

FOXOA3

FOXOA3

Le stress oxydatif, très simplement, c’est l’agression des constituants de la cellule par les ROS (ou radicaux libres), produits, tiens donc, par les réactions de production d’énergie dans les mitochondries.

Normalement nous sommes outillés pour nous en débarrasser avant qu’ils ne fassent trop de dégâts, mais en cas de quantité trop élevée, l’organisme a du mal à les traiter et cela induit destructions dans les cellules, et un tas d’effets secondaires tous plus désagréables les uns que les autres.  Un des effets les plus toxiques des radicaux libres est la carbonylation des protéines, cause de toute une variété d’états métaboliques, dont la dégénérescence neuronale, l’atrophie musculaire, la résistance à l’insuline et le vieillissement.

C’est pour ça qu’on nous vante et nous vend des produits divers anti-oxydants, de la baie de Goji à la boisson aux pépins de grenade, en passant par le jus de cranberries, et qu’il y a même un index de la capacité anti-oxydante des aliments (ORAC ) – même si des études récentes montrent que quand on en prend, on inhibe la capacité de l’organisme à en produire naturellement, donc au mieux ça ne sert à rien !

En réalité, on savait depuis longtemps que les cétones des effets autres que purement métaboliques, notamment au niveau des neurones puisqu’on a utilisé ce type de régime pour soigner l’épilepsie dans les années 30. Cette étude amène des éléments de réponse supplémentaires sur le pourquoi de la chose.

Moralité : la restriction calorique et les régimes alimentaires qui amènent le corps à produire une certaine quantité de βOHB ont probablement un effet protecteur sur les maladies dégénératives du cerveau (Alzheimer) et tout ce qui est lié au stress oxydatif, précurseur de nombreuses maladies, et également nous protègent des effets du vieillissement. 

Nous avons là aussi une preuve concrète que ce que nous mangeons n’est pas que de l’énergie : c’est aussi une information qui va influencer la manière dont nos gènes fonctionnent et donc tout notre organisme … et notre résistance aux difficultés que notre environnement nous crée.

Ca permet aussi de s’éloigner du discours réductionniste très répandu « j’ai des bons gènes ou j’ai des mauvais gènes ». certains gènes ne peuvent pas être modifiés par l’environnement (la couleur des yeux) … mais beaucoup d’autres, si.

Les tests ont été faits sur des tissus de culture et des souris. Reste à faire la même chose avec des humains.  Moi par exemple 🙂

Stephen Phinney dit que, si un labo pouvait breveter une molécule qui aie cet effet sur l’organisme, elle vaudrait des centaines de milliards de dollars, de part la puissance de ses effets. Là il suffit  de modifier son alimentation. Mais est-ce qu’on va y arriver ? C’est trop facile, non ?

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7 commentaires pour le régime cétogène : un anti-oxydant efficace et … gratuit !

  1. Serge dit :

    Pour un non spécialiste, tu as fait du très bon travail.

  2. Serge dit :

    Je trouve déjà cet article très novateur. Il remet en cause les dogmes de la diététique.
    Le seul bémol comme tu soulignais, l’expérimentation jusqu’à présent ne s’est faite que sur des souris.
    Même si tu veux prendre leur place…attendons la suite
    J’attend l’interview avec impatience, je suis déjà allé faire un tour sur le site internet…

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  4. Ping : Peut-on se passer de glucides ? | NutriForce

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