Science, médecine et scepticisme, part 2

Je tombe l’autre jour sur un extrait de livre qui m’interpelle et que j’achète sur le champ,  « Do you believe in magic » de Paul Offit.  Personnalité importante de l’industrie pharmaceutique (chef de service maladies infectieuses infantiles à l’hôpital de Philadelphie), il a inventé un vaccin (qui lui aurait rapporté beaucoup d’argent),  et dans ce livre entreprend de démonter un certain nombre de mythes à propos de la santé, et notamment des médecines « alternatives », comme l’acupuncture, l’homéopathie, les vitamines, et toute une palanquée de traitements du cancer.

Enfin, ce n’est pas tant du démontage que de la « pêche à la dynamite ».

L’extrait que j’ai lu parlait de la vitamine C et de son inutilité totale dans le traitement des rhumes. L’homme qui a été le grand promoteur de la vitamine C, étrangement, c’est Linus Pauling, plus connu pour ses apports sur la théorie de la relativité.  Après avoir reçu son prix Nobel de physique Pauling décide de s’intéresser à la médecine, et « découvre » que la vitamine C guérit le rhume, puis l’ulcère, plus le cancer, etc. Les ventes de vitamines C explosent, mais quand on fait des études en double aveugle sur le sujet, on se rend compte qu’aucun des effets attendus n’est au rendez-vous. Pauling enrage, crie à la conspiration, … et mourra d’un cancer de la prostate, mais à l’âge fort respectable de 93 ans toutefois, en ayant pris des quantités faramineuses de vitamine C.

Ce qui est sur c’est qu’une fois qu’une idée fait partie du « patrimoine commun du bon sens », elle est très difficile à déloger de l’esprit des gens, et a une rémanence assez longue.  Et quand on cherche un peu sur Internet, même les études sur les vitamines sont contradictoires et Pauling est toujours considéré comme un demi-dieu innovant. En fait, on va trouver des articles qui disent que c’est un charlot total, et d’autres qui disent encore que c’est un génie méconnu …

Et nous avons toujours cherché des solutions miraculeuses à nos problèmes de santé – depuis que nous avons conscience d’avoir des problèmes de santé.

Notre espèce existe depuis environ 250.000 ans. La maladie, les blessures, la mort, nous accompagnent depuis le début. Nous avons toujours essayé d’agir sur notre environnement pour le maitriser, et la médecine a toujours fait partie de notre « arsenal » : on trouve de traces de trépanation dans des cranes paléolithiques, des rituels funéraires chez Neandertal, et l’utilisation de moyens « naturels » (plantes, onguents, …) chez les quelques tribus vivant actuellement encore indépendamment.  Médecine et croyance sont liées. La croyance et la superstition sont  des tentatives de donner du sens au monde qui nous entoure, par rapport à nos propres schémas « instinctifs » qui sont souvent anthropomorphiste et prompts à générer trop de sens plutôt que pas assez (voir à ce propos le post sur les erreurs ici) .

Donc les humains inventent des dieux, et assez naturellement pensent que si ils tombent malades, c’est qu’ils ne font pas ce qu’il faut avec les dieux.  Il suffit de relire l’ancien testament ! Donc à l’époque, la médecine, c’est prière, amulettes et sacrifices.  Idée qui va rester d’ailleurs longtemps présente dans le fonctionnement de l’Hôpital, qui est jusqu’à la révolution française géré par des religieuses, qui ont plus de pouvoir que les médecins, qui ne peuvent pas faire grand chose face à la volonté divine (si le sujet vous intéresse, je peux vous faire passer le mémoire de Master 2 en Droit de la Santé de ma fille, qui traite de l’histoire de la laïcisation de l’Hôpital et qui est absolument passionnant, même si je manque sans doute d’objectivité J).

Hippocrate va être le premier à penser la maladie comme provenant de l’intérieur du corps, mais rester très lié à des aspects symboliques : 4 humeurs, 4 couleurs, 4 éléments, 4 saisons, 4 organes principaux. Normal, il ne sait pas vraiment ce qui se passe à l’intérieur du corps ! La maladie est un problème d’équilibre des humeurs, et donc la thérapeutique consiste à supprimer l’excès d’humeur par : vomissement, saignée ou lavement (on parle d’anéma maintenant).

L’acupuncture est inventée quelques siècles plus tard. Mais est toujours utilisée aujourd’hui. On y retrouve les mêmes concepts de déséquilibre,  mais d’énergies.

Au passage, il est amusant de voir comme sur des sujets comme la médecine nous nous en référons à une tradition exotique comme garante de qualité et de pertinence. La tradition médicale occidentale il y a 200 ans, toujours inspirée d’Hippocrate, c’était la saignée, qui en voudrait aujourd’hui ? Ceci dit les « anémas » sont toujours populaires en médecine alternative, notamment dans le traitement du cancer et les programmes de « détoxification ».  Ca faisait partie du programme de traitement personnel de Steve Jobs pour son cancer du pancréas … qui aurait pu être opéré si il avait été pris à temps.

Toujours est il que les médecins chinois n’ont pas le droit de pratiquer la dissection et donc ne savent pas ce qu’est un nerf, une moelle épinière ou un cerveau.  Et ils construisent leur savoir par analogie : il y a 12 « méridiens »  dans le corps humain parce qu’il y a 12 grandes rivières en Chine. Et 360 points d’acupuncture dans le corps humain parce qu’il y a 360 jours dans l’année.

Autant on peut trouver la construction symbolique intéressante, autant on peut douter de son efficacité thérapeutique … et effectivement, des études montrent que les effets sont les mêmes qu’on plante les aiguilles ou pas.

« Mais si ! Mais si ! ça marche ! je peux en témoigner ! » Oui, effectivement, j’ai fait quelques séances d’acupuncture et elles ont eu de l’effet. Ca s’appelle l’effet placebo, est c’est très puissant, et il faudra que j’en reparle un jour, et c’est sans doute la raison principale de l’efficacité de toutes les médecines alternatives actuelles.

On peut dire la même chose de l’homéopathie. Que j’ai donné à mes enfants et moi-même pris.  Tout le monde connaît le principe, qui ressemble un peu à celui du vaccin – sauf qu’on ne génère pas d’anticorps. Quand un produit est dilue à 15 CH, c’est 10 puissance -30 et comme le nombre d’Avogadro est 6,02 10 puissance 23, ca veut dire simplement qu’il y a en gros une chance sur un million qu’il y a aie une seule molécule du produit dans une granule.  Hum.

C’est ennuyeux ce que je raconte. Il y a des docteurs homéopathes, des docteurs acupuncteurs … et une quantité d’énergie mentale considérable qui a été investie sur ces sujets, qui ne reposent sur aucune réalité scientifique réelle, et qui, quand on les teste avec les méthodes actuelles, signent leur inefficacité (à l’effet placebo près, bien sur). Ceci dit, on peut dire la même chose de la religion.  Je suis en train de me faire plein de nouveaux amis, d’un seul coup, moi 🙂

Quand aux traitements sur le cancer … là nous rentrons dans une autre dimension beaucoup plus sordide… et légale.

On a tendance à oublier la forte dimension politique et légale de l’histoire de la médecine moderne, très récente finalement. Aux US, à partir de 1850, des bateleurs de foire, comme on voit dans les westerns, se mettent à vendre tout et n’importe quoi pour gagner de l’argent et accidents sanitaires aidant, le gouvernement fédéral se retrouve obligé de passer des lois, de créer au début du siècle la FDA (Food and Drugs Administration), et devient de plus en plus tatillon sur les tests des nouveaux médicaments, en gros à chaque nouvelle catastrophe sanitaire. D’où les AMM, la nécessité de prouver l’efficacité thérapeutique, etc.

Mais aux US il est toujours possible de passer entre les mailles du filet et de monter sa propre clinique ; le livre cite plusieurs exemples, tous plus épouvantables les uns que les autres.

Le pire étant sans doute celui de Stanislas Burzynski. Brillant médecin polonais né en 1943,  après avoir publié des papiers de recherche et être devenu Assistant Professeur dans une clinique de Houston, il fait la découverte de sa vie, les « antinéoplastons » (tirés de l’urine humaine…) qui sont censés traiter le cancer de manière plus efficace que tous les traitements actuels.  Cures miracles, interventions télévisées, témoignages de patients donnés pour morts et guéris 6 semaines plus tard… et 200.000 dollars pour traiter une petite fille de 4 ans, qui mourra de son cancer après que le traitement se soit révélé inefficace et que les parent aient été ruinés.  Par la suite, des analyses plus poussées du traitement par des biochimistes indépendants prouveront qu’il ne peut pas marcher. Burzynski exerce toujours. Et il y en a plein d’autres.

Quand vous êtes désespéré et qu’on vous promet un miracle, c’est difficile de résister (surtout pour des parents).  Et même quand vous n’êtes pas désespéré, vous pouvez vous accrocher à vos croyances, comme Steve Jobs dont on dit maintenant qu’il serait encore envie si il avait accepté un traitement traditionnel.

Bon, quelle est la morale de l’histoire ?

Qu’il est très facile de se laisser embarquer dans une croyance – c’est une de nos tendances naturelles.  Nous aimons les miracles et la simplicité, moi comme vous. Quand je m’aventure sur des terres médicales je peux facilement tomber dans les pièges manichéens de « les gros labos nous veulent du mal » et « la vérité est du côté des approches alternatives » et partir en free-style sur des raisonnements analogiques qui sont bien loin de la vérité du fonctionnement de l’organisme.

En fait, à moins d’être spécialiste, on n’y connait pas grand-chose et c’est drôlement compliqué ! Les promoteurs des approches alternatives ont autant de choses à vendre que les labos, mais qu’ils se parent d’une vertu qui n’est sans doute qu’une illusion.  Et les théoriciens du complot sont légion, et pas uniquement dans le monde médical … mais il est vraiment difficile de faire la part des choses. En me baladant sur le web tout à l’heure, j’ai trouvé des articles anti-vaccins expliquant que les adjuvants rendaient les enfants autistes, et d’autres qu’il n’y avait pas de définition claire de l’autisme – et un autre article sur les méfaits de l’aluminium qui provoque le cancer du sein, alors que j’avais lu récemment que c’était une grosse parano …

Ceci dit es chaines de magasins comme GNC aux US qui vendent des suppléments alimentaires représentent un business de plusieurs dizaines de milliards de dollars, il y a donc des sacrés intérêt en jeu et donc une communication et un lobbying féroce au niveau politique – mais avec un niveau de régulation bien inférieur à la médecine «médicamenteuse » – alors que même avec ça, il nous arrive des horreurs comme le Mediator – ou les statines (à mon humble avis non autorisé).

Certaines approches alternatives peuvent receler les vérités de demain.  Et globalement, les populations des pays riches ne sont pas en bonne santé, ce qui est quand même l’élément qui devrait nous interpeller le plus et motiver notre recherche personnelle – et mettre en doute les dogmes établis.

Les plus crédibles sont sans doute ceux qui n’ont rien à vendre, ou qui sont dans une recommandation du « moins ».  D’où mon intérêt pour la diète cétogène, qui revient par la fenêtre en fin de post.

Bon en attendant, je vais aller bouquiner un livre sur l’histoire des mitochondries, qui lui aussi vaut son pesant de radicaux libres, pour voir si elles fonctionnent aussi bien en oxydant des acides gras que des molécules de glucose. Là on est juste dans la polémique scientifique, mais comme on parle de trucs qui se sont passé il y a quelques milliards d’années, les enjeux ne sont pas les mêmes  🙂

Et vous, vous pensez quoi ?

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12 commentaires pour Science, médecine et scepticisme, part 2

  1. Serge dit :

    Je ne sais si on peut en penser quelque chose, enfin, je dirai:  » In vino veritas ».

  2. alicette dit :

    Je me suis beaucoup intéressée au traitement de l’obésité ces derniers temps et surtout aux « solutions » chirurgicales.
    Attention, moi je n’arrive plus à voir un médecin qui pratique ce genre d’opérations autrement que comme les mec qui, il y a deux siècles, se disaient qu’au fond une transfusion sanguine entre un homme et une chèvre c’était logique… Aujourd’hui, en France, on coupe une bonne partie des intestins à des obèses, on leur coud sur l’estomac et on leur donne des compléments alimentaires à vie parce que du coup ils ne peuvent plus assimiler totalement (c’est pour ça qu’ils perdent du poids). Avant quand même on vérifie leur masse musculaire parce que si elle est en dessous de 22% il risquent de creuver (parce qu’ils bouffent plus pendant des semaines). Sans parler du fait qu’ils perdent du vite qu’il faut leur couper la peau du ventre, des bras et des cuisses, que beaucoup font des complications, et que tout simplement c’est juste une façon détournée de les rendre anorexique. Quand on pense aux effets que pourrait avoir une diète cétogène, ça fait presque mal pour eux.
    Ce reportage montre malgré lui la folie du rapport de la médecine moderne à l’alimentation : http://youtu.be/4ijZiquS9oc

    • Serge dit :

      Une diète cétogène ne fait pas rêver, elle nécessite une réflexion, et une force pour avancer contre l’avis général.
      La médicalisation a un côté rassurant…
      Quitte à composer avec des « contre indications »…

    • nfkb0 dit :

      la chirugie bariatrique sauve des gens, vous ne vous rendez pas compte de la détresse physique et humaine dans laquelle sont certains grands obèses

      • paleophil dit :

        Non je ne peux pas me rendre compte, je ne suis pas dans cette situation. je suis passé du jugement débile (ils n’ont pas de volonté) à une position plus nuancée même si j’ai régulièrement des bouffées de « m’enfin, c’est pas si difficile de manger moins » dont j’admets que c’est une vaste connerie, venant d’un ancien fumeur qui garde des tendances addictives assez prononcées.

        Et j’ai effectivement rencontré des gens il y a peu de temps qui ont subi ce type de chirurgie et qui avaient l’air de s’en porter très bien, après avoir perdu plus de 100 kilos.

        Sous-jacent est le débat de la dépendance et du libre arbitre, et ça c’est vraiment compliqué !!!

  3. Serge dit :

    Trêve de plaisanterie…
    Bien sur le vin est un excellent produit, le respirer est déjà un plaisir! Et le boire!!
    Pour le reste, les connaissances, leur évolution, et les « marchants du temple » (dédicace spéciale pour Paleophil) je crois qu’il faut « cultiver son jardin » (Candide de Voltaire: une autre dédicace) et rester curieux . « Tu seras un homme mon fils » (Kipling)

  4. nfkb0 dit :

    A propos des médecines alternatives, il faut lire cet excellent billet de Perruche en Automne et rigoler un peu avec les commentaires http://perruchenautomne.eu/wordpress/?p=1776

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