Bonjour Stephen, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours et pourquoi vous vous êtes intéressé à la nutrition – et particulièrement aux régimes pauvres en glucides et « cétogènes» ? Etait-ce d’un point de vue « santé» ou « performance sportive», ou quelque chose d’autre?
J’ai une formation de médecin, et durant mes études, j’ai découvert que je pouvais parcourir de longues distances sur un vélo – mais seulement si je mangeais beaucoup de glucides pendant que je roulais. Je me suis demandé si mes patients dans l’unité de soins intensifs qui n’étaient pas nourris se sentaient aussi mal que moi si je devais roulais 200 km sans manger. Après mon internat en médecine, j’ai décidé de prendre une «année sabbatique» pour en apprendre davantage sur la nutrition (qui n’était pas enseignée dans mon école de médecine [Stanford]). Cette année est devenue 4 ans, et un doctorat en biochimie nutritionnelle.
Comment vous alimentez vous aujourd’hui ? Conformément à ce que vous préconisez dans vos livres ?
Pendant neuf des 10 dernières années, mon alimentation a été modérée en protéines, riche en graisses, et avec moins de 50 grammes de glucides par jour. Je mange environ 3000 kcal par jour, répartis e 12-15% de protéines, 80% de matières grasses et moins de 7% de glucides. Pourquoi 9 années sur 10? En 2003, j’ai adopté le régime ci-dessus parce que j’avais grossi et que ma pression artérielle avait augmenté. Dans les 2 semaines qui ont suivi ma tension artérielle était redevenue normale, sans médicaments, et après 3 mois j’avais perdu mon poids supplémentaire. Après un an de ce régime, mon poids et la pression artérielle sont restés normaux, mais mes amis et ma famille étaient inquiets, pensant que tout la graisse que je mangeais serait mauvaise pour moi. Pendant un an j’ai donc suivi rigoureusement le régime DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension, promu par le Département américain de la Santé). Pendant cette année où j’ai suivi ce régime – auquel j’ai été formé à expliquer à mes patients que c’est le meilleur régime pour l’hypertension, mon hypertension a augmenté et j’ai repris la moitié du poids que j’avais perdu. Donc en mai 2005, j’ai repris mon régime faible en glucides, perdu les kilos en trop, ma pression sanguine est redevenue normale, sans aucun médicalement, et mon poids est resté stable – depuis 8 ans.
Un peu de perspective historique avant de nous plonger dans les molécules!
Stephen, vous êtes un expert en biochimie nutritionnelle, et vous avez des outils pour analyser comment notre corps fonctionne aujourd’hui. Nous savons par ailleurs que la biochimie humaine d’aujourd’hui est le résultat d’une longue, très longue évolution : selon la façon dont on regarde, 2 milliards d’années (inclusion des mitochondries dans une cellule) ou 2 millions (premiers humains). L’évolution a été impitoyable dans la sélection des solutions adaptées aux problèmes auxquels les organismes vivants ont été confrontés. Quel est votre avis à ce sujet et comment cette «vision» se rapporte à vos découvertes dans le laboratoire?
Eh bien, nous sommes familiarisés avec l’idée que la révolution agricole, il y a 10.000 ans, a changé radicalement la façon dont les êtres humains acquièrent de l’énergie (nourriture) et la dépensent (activité physique).
Je vis en Californie, mais mes ancêtres étaient des Vikings, et si j’essaye d’imaginer leur vie dans une environnement pré-agricole, que vois-je ? Des glucides, comme les fruits, rarement disponible, et seulement pendant une brève période de temps au cours de l’année, peut-être un mois … Essayez donc de trouver des myrtilles en Suède en Février!
Le métabolisme de nos ancêtres a donc dû s’adapter pour fonctionner principalement à partir du produit de la chasse, de la pêche et de la cueillette, ce qui signifie se nourrir principalement de protéines et de graisses, et des quelques plantes qu’ils pouvaient trouver, qui avaient beaucoup de cellulose, peu digeste, et très peu de glucides, même si beaucoup de micro-nutriments.
La créativité humaine a permis d’inventer des techniques de conservation des protéines, telles que fumer la viande, comme le pemmican des Amérindiens (que je fais toujours moi-même). Ils ont probablement affiné la recette sur des milliers d’années, et ça été un élément clé de la survie de la tribu. Cela devait être très précieux, car il y a des traces de « routes commerciales » pour le pemmican, qui était échangé contre du tabac, des silex, ou même des coquillages.
Dans mon livre, je décris le rituel cette tribu de l’Ouest canadien, spécialisée dans l’extraction de la graisse d’un petit poisson appelé le « oolichan ». Pendant plus de 10.000 ans, ils ont migré chaque année au printemps vers les rivières pour attraper ces poissons, qui se trouvaient être composés de plus de 20% d’une matière grasse très semblable à l’huile d’olive (mono-insaturée) et semi-solide à température ambiante, donc facile à transporter et à vendre. Ainsi, tout comme la route de pemmican, il y avait la route du oolichan.
Ces exemples montrent pour moi l’importance des protéines et des graisses dans l’alimentation humaine dans les sociétés pré-agricoles.
C’était probablement différent dans les régions tropicales, parce que les saisons ne sont pas aussi marquées et il qu’il est facile de trouver des fruits. Mais nos ancêtres, qui ont vécu en Europe depuis 2 millions d’années devaient être capables de fonctionner correctement avec très peu (de 5 à 10% de leur apport énergétique total), voire zéro glucides la plupart du temps.
Ce qui signifie que, contrairement à nous aujourd’hui, ils étaient probablement en « régime cétogène » la plupart du temps. Et pourtant capable d’effectuer des activités physiques au moins aussi difficiles que celles des athlètes d’ultra-endurance aujourd’hui!
à suivre ….
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