The évolution of the human body – suite

Je vais continuer mon commentaire sur le livre de Lieberman, mais auparavant une petite note personnelle.

Vendredi chez le médecin, pour vérifier que je peux bien recommencer à courir. Il est à la fois médecin du sport et médecin « anti-âge ». Je feuillette son portfolio avec toutes les techniques proposées : botox, acide hyaluronique, injection de CO2 … ça laisse rêveur. Surtout avec l’idée que l’intérieur de l’organisme se dégrade autant que l’extérieur. Et qu’il aurait fallu commencer à 30 ans à mettre des crèmes hydratantes … trop tard, je vais garder toutes mes rides.

Il se trouve que j’ai une tendinite à l’épaule, sans doute attrapée en jouant dans l’eau au Brésil avec mon fils. Je lui dis que je fais quelques pompes tous les matins, il hausse un sourcil et m’explique que les pompes sont « le pire exercice pour travailler les pectoraux » et qu’à plus de 50 ans il vaudrait mieux que je travaille avec des élastiques. Quand je lui dis que je fais des Kettlebells depuis 18 mois, il avoue ne pas savoir ce que c’est.

Je ressors donc avec un sentiment un peu mitigé. Ne plus faire de pompes parce que j’ai plus de 50 balais ? J’ai vraiment du mal avec cette idée de se ménager, compte tenu de toutes mes lectures et de ma conviction (croyance ?) que c’est la stimulation qui donne des résultats. Use it or lose it … A suivre. 

Revenons à Lieberman. Son bouquin est tellement dense que la fiche de lecture est en train de se transformer en série à épisodes !

Nous en étions restés à l’apparition des outils. Je vais raccourcir un peu; on comprend que la coopération nécessaire pour la chasse, le temps à passer pour s’occuper des enfants va amener un saut quantique dans l’évolution. Comme le dit Lieberman avec une jolie métaphore, on passe du matériel au logiciel. De la génétique à la culture.

L’innovation liée à la curiosité et qui peut être transmise d’un humain à l’autre. A quoi sert d’avoir des idées si on ne peut pas les communiquer ? Et la culture est capable d’évoluer à très grande vitesse. Il y a d’ailleurs une théorie des « mêmes » qui sont l’équivalent des gènes, mais pour les idées et les concepts. Les « mêmes » passent de cerveau en cerveau et … le plus adapté gagne un maximum de cerveaux. Les religions monothéistes sont des mêmes ultra-puissants, puisqu’ils arrivent à se reproduire et à infecter, pardon, pénétrer encore aujourd’hui un maximum de cerveaux humains. Le marxisme aussi …

Cette prédominance de la pensée et de la culture sur l »organique » déforme la vision que nous avons de nous mêmes, surtout à une période où nous avons l’impression d’être des demi-dieux avec une maitrise de plus en plus grande de technologies permettant d’intervenir sur notre biologie, justement : l’invention de la médecine moderne. Notre intelligence nous a permis de nous libérer de la servitude de chercher notre nourriture tous les jours et d’inventer l’agriculture, et toutes les révolutions technologiques qui ont suivi …

Pour autant notre corps, lui, n’évolue pas à la vitesse de notre culture; nos ancêtres étaient aussi intelligents que nous, mais dépensaient environ 1.500 calories par jour en exercice physique …15 kilomètres de marche, grimper dans quelques arbres, déterrer des racines … et là on se rend compte qu’il y a un énorme décalage.

Avoir un corps paléolithique dans un monde post-paléolithique ? 

Ca veut principalement dire que nous avons un fonctionnement (biologique et psychique, on y reviendra) optimisé pour un fonctionnement en mode « économie d’énergie » et « dépense régulière avec des moments intenses » et qu’aujourd’hui nous  avons inventé tout ce qu’il faut pour fonctionner à l’opposé : pléthore d’énergie disponible … et dépense minimum. Facile d’imaginer les conséquences, que Lieberman appelle joliment une « dysévolution« .

Une journée classique d’un cadre dans le monde occidental (moi par exemple il y a quelques années) : un réveil forcé, une douche assistée avec brosse à dents électrique, un petit déjeuner à base de céréales, quelques pas pour aller à la voiture ou au métro, des escalators ou des ascenseurs pour rejoindre le lieu de travail. Assis face à un écran d’ordinateur pendant plusieurs heures, une pause déjeuner, re-travail, retour à la maison, diner, puis télé ou ordi assis dans un canapé et dodo, bien après que la nuit soit tombée et un maximum de stimulation visuelle (écran, lumières…). Trois à cinq approvisionnements énergétiques dans la journée, et pratiquement aucune dépense physique. Et en prime quelques moments de stress plus ou moins intense (le connard dans le métro ou dans la voiture devant, le patron, les réunions qui n’en finissent pas, …) auxquels il n’est pas possible de réagir.

Erwan Le Corre avec movnat parle du « zoo humain », en nous comparant à des animaux en captivité, et même si la métaphore est peu plaisante, elle porte sa part de vérité quand on se regarde vivre comme ça – par rapport aux 15 kilomètres journaliers parcourus par nos ancêtres, et la quantité d’énergie à dépenser pour acquérir la nourriture.

On me répondra que, si, nous évoluons toujours. C’est vrai, même si l’évolution biologique (hardware) est d’une extrême lenteur par rapport à l’évolution culturelle et technologique  (software). En plus, la notion plus récente d' »épigénétique » semble indiquer que le mode de vie influence l’expression des gènes sur plusieurs générations.  En bien comme en mal.  Lieberman n’en parle pas, mais j’ai écouté l’autre jour un podcast d’Abel James qui reparlait des études de Weston A. Price sur la déformation des mâchoires liées aux problèmes de nutrition, que lui interprétait comme une dégénérescence de l’espèce (et j’ai un de mes meilleurs amis qui était orthodontiste, et tous mes enfants ont eu des appareils dentaires … donc ça me coute d’écrire ça). Il parle aussi des expérience de Pottenger avec des chats, qui dégénèrent en 3 générations quand ils ne sont pas alimentés correctement. C’est assez effrayant aussi si on fait le parallèle avec les humains (et non, ça ne veut pas dire qu’il faut uniquement manger de la viande crue et boire du lait).

Bon je m’égare un peu là, même si Lieberman cite Weston A. Price dans son livre. Il sort une liste des maladies liées à la dysévolution qui vont de l’acné à l’ulcère en passant par le diabète et les caries dentaires. En expliquant que les facteurs culturels prennent de plus en plus d’importance et qu’en plus on arrive à soigner certaines de ces affections, ou au moins leurs symptômes.

Exemple bête : la carie dentaire. Provoquée par des bactéries qui attaquent l’émail dentaire et que développent lorsque nous mangeons sucré (ce qui n’était pas le cas de nos ancêtres, qui d’ailleurs n’ont pas de caries)…. mais plutôt que d’arrêter de manger des bonbons, on va chez le dentiste, qui pose un plombage. Et on achète aussi des brosses à dents (électriques !!!), du produit pour enlever la plaque dentaire, et on va se faire détartrer deux fois par an. La culture produit des modes d’alimentation toxiques (bonbons) et des moyens d’y remédier (partiellement et à grands frais). Donc tout va bien !

On va retrouver cette même dynamique perverse dans les grandes maladies sociales actuelle comme le diabète : on sait le traiter sans médicaments, il « suffit » de changer de mode d’alimentation, mais pour plein de raisons, plus de la moitié des patients refusent de le faire et d’une part se mettent en danger et d’autre part coutent une blinde à la collectivité en se shootant à l’insuline de synthèse.  On peut dire la même chose de l’hypertension artérielle, et sans doute de la plupart des affections cardiovasculaires.  Et du cancer du poumon (et en tant qu’ancien fumeur, je peux faire un cours sur la capacité de déni absolument colossale qu’on peut déployer quand on fume, vis à vis du cancer, ayant le cerveau totalement hacké par la dépendance à la nicotine, tout simplement).

Deux idées clé pour une conclusion provisoire :

L’invention de l’agriculture a permis la production de calories en masse, permettant un accroissement considérable de la population humaine au prix de  conséquences dramatiques : nouvelles maladies héritées de la proximité avec les animaux, régime alimentaire provoquant des maladies, baisse de la qualité des nutriments ingérés (au prix de leur facilité de conservation et de stockage)

La révolution industrielle enfonce le clou de la dysévolution en supprimant à grande vitesse toutes les activités physiques  et en sédentarisant le travail : on ne bouge plus pour aller travailler et on ne bouge plus au travail non plus (dit il assis en face de son macbook pro). Et enfin on industrialise encore plus la nourriture, en abaissant son coût de production – mais aussi sa qualité nutritionnelle, même si elle joue sur notre inconscient de chasseur cueilleur pour nous faire nous précipiter sur du salé / sucré … tellement rare et prisé il y a 50.000 ans.

Je vous laisse méditer là dessus … mais déjà cela donne quelques pistes d’action qui sont dans le droit fil du blog et de ce que j’essaye de faire personnellement : bouger beaucoup plus et principalement au quotidien,  manger de la vraie nourriture (non préparée industriellement) et  s’affranchir des quantités phénoménale d’énergie que nous pouvons ingurgiter.

Vive la diète ! Et sur une note personnelle : une fois qu’on a pris le pli de manger moins (typiquement supprimer un voire deux repas par jour) on est effaré de l’esclavage que représente les 3 voire 4 repas par jour à préparer, à manger … et à digérer !

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2 commentaires pour The évolution of the human body – suite

  1. nfkb (@nfkb) dit :

    bon, la prochaine fois que je vais bosser en courant je ne prendrai pas de gamelle dans mon sac !

    (je continue de lire les articles, quel boulot d’analyse vous avez fait avec toutes ces lectures, bravo !)

    • paleophil dit :

      Merci … en fait depuis quelques années je ne lis plus que des bouquins sur la nutrition, le sport et, comment dire, l’évolution en tant que phénomène biologique et social. Avec des auteurs un peu barrés aussi comme Howard Bloom. Et il y a des piles de trucs que je voudrais lire et que je n’ai pas le temps de lire, notamment sur la physiologie du cerveau, la conscience (d’amasio), les implications philosophiques de la théorie darwinienne (Dennett). J’ai aussi quelques bouquins de en stock que je n’ai pas encore ouverts (life ascending de Nick Lane). Et aussi ce qui touche à la religion, vue de manière sociologique. A ce propos et si le sujet vous intéresse le livre de Pascal Boyer « et l’homme inventa les dieux » m’a débarrassé de tout ce qui pouvait me rester d’aspiration transcendante. Bref la vie est trop courte pour apprendre tout ça … surtout que mon métier n’a rien à voir avec ces domaines ! et si en plus on veut rester un peu au courant des papiers qui sortent, c’est juste pas possible. Mais ça reste passionnant !

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