Je viens de refermer avec une larme au coin de l’oeil Flanagan’s run, écrit dans les années 80 par Tom Mc Nab, coureur olympique et coach sportif. C’est l’histoire d’une course, la Trans-America, Los Angeles- New York, en courant l’équivalent d’un à deux marathons par jour pendant 3 mois, organisée par un promoteur un peu véreux, Flanagan, et à laquelle 2.000 coureurs venus des quatre coins du monde participent.
Une course de ce type a réellement eu lieu dans les en 1928, le Bunion Derby. Epoque de crise et de paris fous pour attirer les foules et enrichir les book-makers, et, pour les vainqueurs, l’opportunité de sortir de la misère, quitte à y laisser leur peau … qui de toute façon ne vaut pas grand chose.
Le livre est remarquable par sa peinture d’une Amérique entre dépression et prohibition, qu’on traverse d’Ouest en Est, de déserts arides en cols enneigés. On y croise J. Edgar Hoover, Al Capone entre autres personnages romanesques, dans une Amérique blessée, misérable mais fière, pleine d’ouvriers en grève, de municipalités corrompues, mais aussi de fêtes et de rassemblements avec cirques et jeux divers.
Pour le coureur … on trouve toute l’essence de la course à pied, et en germe toute la mythologie de l’ultra-running. Deux marathons par jour pendant 3 mois !!! A travers une galerie de personnages très divers, tous fauchés, talentueux coureurs initialement uniquement intéressés par le prix à l’arrivée de 250.000 dollars !
Le mexicain entrainé avec les Tarahumaras qui court pour sauver son village de la misère : je croyais que c’était Chris Mc Dougall qui les avait dénichés, mais non, ils sont bien là avec leurs courses « pour le fun » de 100 miles en tapant dans un ballon et les femmes qu’on envoie pour courir des marathons parce que 26 miles, c’est la distance qu’il faut pour s’échauffer.
L’écossais taciturne, ex-mineur au chômage qui n’a rien à perdre à tenter sa chance, l’américain qui a raté les grandes courses olympiques des années 1910, vend des élixirs bidons pour gagner sa vie, et à 50 balais passés veut réussir « the next big thing », le lord anglais avec sa Rolls en quête de reconnaissance dans son milieu, l’ex strip-teaseuse qui se lance là dedans en se disant que ce n’est pas pire que de danser 6 heures par jour devant un public lubrique et alcoolisé … et j’en passe, mais ils sont tous hauts en couleurs et super bien croqués.
Ils incarnent tous des valeurs typiques de la course à pied: ce balancement perpétuel entre compétition et camaraderie, qui amènera à un dénouement assez inattendu. La liberté absolue qu’on trouve dans la course et la fierté qui va avec, particulièrement bien vue dans ces personnages, zéros au début de l’histoire et qui vont gagner leur dignité au fil des (centaines de) miles de la course. Le dépassement de soi à travers la gestion de l’inconnu et de la douleur, physique et psychique, omniprésente mais toujours gérée et contenue.
L’auteur, coureur lui aussi, sait de quoi il parle, et je suis est très loin de cette volonté d’acier, qui amène les héros à terminer une étape les yeux vitreux, l’écume aux lèvres et semi-comateux tellement ils ont tiré sur leurs capacités, et repartir le lendemain. Mais aussi toute la gestion intelligente qui va avec, massages, récupération, vaseline, hydratation … sachant que ni le talent (qu’ils ont tous, vu la vitesse à laquelle ils courent), ni la volonté brute ne suffisent.
Bref on lit le livre plus vite qu’ils n’ont fait la course, on apprend plein de choses sur le sujet en se rendant compte que tout cela existait bien avant Nike et le cardio-fréquencemètre et c’est complètement passionnant. Et la valeur fondamentale qu’on trouve dans le livre, c’est la rédemption et la connaissance et le respect de soi – et des autres – dans l’effort et la difficulté.
Il y a une traduction française mais je n’ai pas trouvé son titre. Merci à Thierry pour m’avoir mis le livre entre les mains !
Superbe commentaire résumant parfaitement ce bouquin passionnant
Le parcourir donnera a coup sûr envie de partir courir sur du vrai Ultra !!!
La grande course de Flanagan en FR 🙂
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