Sports extrêmes my ass !

Allez j’ai pas trop le temps de blogger là mais un bon ami m’envoie un lien vers un article du monde sur « le sport extrême, un moyen de se surpasser ». Comme je ne suis pas abonné, je ne peux pas tout lire mais tout est résumé dans le titre.

Le chapô dit ça « Dans les salles d’entraînement, CrossFit, boxe thaïe et autres activités extrêmes sont à la mode, traduisant un besoin de repousser ses limites. »

Ironie du click-bait, sur la page de l’article il y a un lien vers un publi-reportage qui dit « Surpoids, fatigue : Un ingénieur grenoblois aurait découvert une formule pour perdre un peu de graisse tous les jours » avec une photo de geek devant un tableau où visiblement il essaye de démontrer le théorème de Pythagore. La société qui fait la pub propose une n-ième méthode pour maigrir, sur le thème « on nous cache tout on nous dit rien » avec un joli vernis conspirationniste.

La juxtaposition est grinçante.

Mettre dans le même panier CrossFit et boxe thaïe, c’est une méconnaissance des sports en question. Greg Glassman, le fondateur de CrossFit, explique à qui veut l’entendre que sa méthode s’adresse à tout le monde et qu’il vaut mieux apprendre à faire des squats avant 75 ans plutôt que de se retrouver à se faire torcher le cul par une infirmière parce qu’on n’est pas capable de se lever du siège des toilettes. Bien sur, il y a les CrossFit games avec des gros costauds sans doute stéroidés capables de faire 90 snatch et plus en moins de 10 minutes avec des charges croissantes. C’est le WOD que j’ai fait ce matin, et comme je suis vieux et pas très musclé j’en ai fait 85 et pas 90+ avec des charges ridicules (15 puis 25 kilos).  C’était effectivement extrême, à mon niveau extrêmement limité!

Présenter le CrossFit et le besoin de se surpasser comme des conséquences de la « modernité » est à mon avis un contre-sens total.  Le besoin du dépassement de soi est ancré dans les gènes, sinon on serait toujours dans des cavernes vêtus de peaux de bêtes.

Foin de psychologie à deux balles, même si elle est vraie. C’est surtout que notre corps a besoin d’être poussé dans ses retranchements pour rester fonctionnel, tout simplement. Notre aspiration au confort (alimentation en permanence, température régulée, aucun effort physique à fournir) tue notre espèce de manière à peine insidieuse. Les 600 millions de diabétiques à horizon 2040 n’existeraient pas s’il repoussaient les limites de leur alimentation et de leur sédentarité. Et je ne parle pas des obèses, des cardiaques, etc, etc.

Donc si on ne souhaite pas que la vieillesse (qui commence vers 20 ans …) soit un long naufrage vers l’incapacité motrice et/ ou cérébrale, le meilleur moyen de l’éviter, c’est de se bouger le cul avec un minimum d’extrémisme, si j’ose dire; c’est à dire se mettre dans le rouge régulièrement, parce que c’est le seul signal physiologique que l’organisme entend pour investir de l’énergie dans la maintenance de la machine.  Il faut transpirer, il faut haleter, il faut se demander si on va y arriver, il faut se mettre dans l’inconfort. Ce que nos ancêtres faisaient « naturellement », n’ayant pas le choix du confort, et devant donc régulièrement se sortir les doigts pour trouver à bouffer, ne pas se faire défoncer par la tribu d’à côté, ou échapper à un tigre à dents de sabre.

Et pour reboucler sur l’aspect psychologique, le cerveau a servi à bouger avant de servir à réfléchir … La réflexion « initiale » étant d’ailleurs pour élaborer des stratégies de mouvement pour attraper des proies ou échapper à un prédateur; le journalisme arrive un peu plus tard dans l’échelle temporelle.

Donc pratiquer un sport réputé extrême est aussi une manière d’entretenir ses neurones de manière au moins aussi efficace que de faire des mots croisés ou des sudoku.

Bref, soyez extrémistes, votre corps vous en sera reconnaissant.

Si un lecteur est abonné au Monde, je veux bien une copie de l’article complet 🙂

Cet article a été publié dans crossfit, Evolution, longévité, Société. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

7 commentaires pour Sports extrêmes my ass !

  1. nfkb dit :

    Peut être encore un article un peu « facile » pour expliquer à des gens qui ne connaissent pas du tout ce milieu ce dont il pourrait en retourner.
    Ton billet m’interpelle sur la presse en fait.
    1) pourquoi lisons nous des trucs où la probabilité a priori est très grande que ça ne nous apporte rien (je le fais tout le temps)
    2) comment les journeaux peuvent ils faire de la qualité et vivre et croître de nos jours ? Je voyais sur Twitter Eric Fottorino se débattre avec un prestataire dans sa chaîne industrielle et qu’il était à deux doigts de crouler car son business ne génère aucune trésorerie :-/ (alors qu’ils font un bon journal !)

    • paleophil dit :

      C’est sur que souvent on a l’impression que les articles sont juste là pour de donner envie de cliquer sur le truc débile en dessous qui fait appel à tes bas instincts de primate, genre « regardez comme ces stars ont mal vieilli » ou « la méthode miracle qu’on vous cache pour guérir le psoriasis ». Etant abonné à 87 newsletters j’ai une palanquée de mails tous les matins. De temps en temps il y a un truc où je me dis « tiens, une idée sympa ». En l’occurence cet article du Monde m’est utile parce qu’il permet d’affiner mon idée de la mauvaise perception du sport, de l’effort et de l’inconfort que je rencontre autant dans les journaux que dans les diners avec les gens de ma génération. Mais c’est sur qu’être capable de limiter le temps passé en « spectateur » pour en passer plus en tant qu’acteur de ta propre vie c’est super important et une bataille de toutes les minutes parce que tout est fait pour que tu sois un spectaconsommateur.

  2. yanndroid dit :

    lors de la dernière Spine Race ou je me suis arrêté au bout de 350 kilomètres sur les 420 de l’épreuve j’ai vraiment eu l’impression que cela ne posait absolument aucun problème à mon corps de se mettre au service de mon cerveau pour cette épreuve. Lorsque mon cerveau a décidé que c’en était trop je lui ai même reproché ne ne pas avoir consulté mon corps avant de prendre sa décision. Véridique.
    Un truc que je vais creuser c’est la pensée Sartrienne sur l’être et l’individu entièrement présent dans chacune de ses actions.

    • paleophil dit :

      J’ai d’abord hésité en pensant que c’était un hoax (spine race me faisant penser à spinal tap, le faux groupe de hard mythique), mais non, c’est une vraie course de grand malade 🙂
      Je ne sais pas si le truc à creuser c’est la penser Sartrienne pour réussir à faire une course de 420 bornes par contre je note dans votre commentaire que vous êtes dans un bon vieux dualisme cartésien, corps et esprit. Enfin, cerveau. Je ne suis pas sur que ce soit le bon modèle. J’ai plutôt tendance à adhérer au modèle du « gouverneur central », c’est à dire que c’est le cerveau qui contrôle TOUT et qu’il n’y a pas de fonctionnement autonome du corps. Et le cerveau, ou plus exactement le système nerveux est toujours 1. en anticipation permanente de ce qui va se passer dans un futur proche en inférant ce qui vient de se passer dans plusieurs strates de passé et 2. focalisé sur sa mission principale qui est de maintenir en vie l’individu dans lequel il est logé. Même si vous faites un effort « volontaire » au niveau conscient pour continuer à avancer (ce qui donne toutes ces images poignantes du marathonien ou de l’ultra-runner qui titube ou rampe ou se fait caca dessus pour faire les derniers mètres), au final c’est « le reste » de votre cerveau qui va décider si il vous laisse avancer ou vous fait tomber ou vous donne un désir irrépressible d’arrêter la course. Et je pense que le seul moyen d’éviter cela est d’apprendre au cerveau que l’état physico-chimique de votre organisme au 350ème kilo ne vous met pas suffisamment en danger pour vous laisser continuer à courir 70 bornes. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire …Il y a un bouquin là dessus, de Matt Fitzgerald, Brain Training, qui explique ce concept. Bon courage pour la prochaine course 🙂

      • yanndroid dit :

        Merci d’avoir laissé passé mon quasi hoax. En tout cas après 6 jours sans presque aucun sommeil c’est incroyable de voir ce qui nous reste comme ressources pour survivre. Mon échec fait partie de ma préparation mentale; Je suis hyper confiant sur mes capacité à aller jusqu’au bout la prochaine fois. Même si votre histoire de gouverneur central est séduisante j’ai beaucoup médité sur mon corps pendant la dernière course. A un certain moment j’ai remercié mon corps de ne m’envoyer strictement aucun signal de détresse après déjà pas mal de jours de course. Je me suis demandé si en fait je ne lui faisais pas plaisir et qu’il me rendait cela en ne me reprochant rien.
        Ce qui est certain c’est qu’entre 2 ultras il se passe quelque chose au niveau apprentissage / adaptation. C’est énorme l’évolution de mes limites sur 1 an. Il y a 1 an je finissait dans la douleur le premier 100 miles de ma vie et aujourd’hui je dépasse les 200 miles sans problème.

  3. magali dit :

    bonjour Phil, une petite remarque concernant ton concept de gouverneur central, on sous-estime trop souvent la communication hormonale et ses auto-régulations (ou boucles de rétro action), donc par définition indépendantes de tout contrôle nerveux…
    Les hormones sexuelles, stéroidiennes, de croissance et bien évidemment du stress, vont avoir une influence non seulement sur la physiologie mais aussi sur le psychisme en motivant ou non certains comportements, et on en revient alors au mode de vie avec l’impact des perturbateurs endocriniens.
    Autre découverte récente, l’effet du microbiote sur notre système nerveux, en fonction des populations bactériennes intestinales et de comment on les nourrit ou détruit, celles ci vont synthétiser des neuro-transmetteurs qui agissent de façon exogène sur nos humeurs, notre appétit, notre agressivité…(l’intestion est le 2ème cerveau)
    Dans mes lectures, « le régime hormones » et « un cerveau à 100% » entre autres, qui donnent des pistes sur comment équilibrer nos neuro-transmetteurs grâce à l’alimentation et certains compléments (précurseurs qui boostent la synthèse)

    • paleophil dit :

      Merci Magali, je suis en phase avec ton commentaire, le cerveau n’est pas tout et certaines boucles de rétroaction effectivement ne passent pas sous ses fourches caudines ! Et j’ai lu ici et là que le microbiote était notre deuxième génome … avec la capacité de se modifier bien plus vite que notre ADN évidemment, même l’expression de tel ou tel gène va dépendre de l’environnement.
      Tu peux partager les références des deux bouquins et ce que tu en as tiré personnellement ? Merci !

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