A la suite du stage de formation MovNat au mois de main dont j’ai parlé ici et ici et ici , les trois participants parisiens, dont votre serviteur, ont décidé de monter une association pour faire la promotion du mouvement naturel en région parisienne.
Pas les moyens (pour l’instant) de monter une structure réellement affiliée MovNat, mais en tout cas nous sommes bien dans l’esprit. D’ailleurs Guillaume, le Président (qui se coltine un tronc sur la page d’accueil), vient de passer une certification niveau 3 (le niveau le plus élevé) avec Erwan Le Corre himself à Albuquerque il y a quelques jours. A ce niveau, ca dépote sérieusement.
De manière amusante (en tous cas pour moi), la première structure qui s’est intéressée à notre toute nouvelle association pour nous commander une prestation n’est rien moins qu’HEC, mon alma mater. Diantre !
HEC organise de nombreux programmes de formation pour cadres en intra-entreprise (Executive Education), histoire de les faire respirer un peu et de leur permettre de réfléchir sans la pression du quotidien (les fameuses 3 minutes max durant laquelle un cadre en entreprise peut bosser sans être dérangé :-)).
Et là, une session a lieu pour rien moins que Décathlon. Bigre. Même si le mouvement naturel est plutôt orienté «on fait tout sans rien», ce qui ne fait pas forcément plaisir aux vendeurs de matériel de sport, la responsable du programme de formation à HEC a trouvé intéressant de les confronter pendant deux heures à la philosophie MovNat.
Deux heures ? On fait quoi en deux heures avec un groupe de 40 personnes qu’on attrape dans une salle de séminaire avec powerpoint et gradins ? Ben, on les met en short et on va crapahuter dans l’immense parc d’HEC 🙂
Mine de rien, faire quelque chose de pertinent en 2 heures n’est pas trivial. Même si les concepts clé de MovNat sont assez facile à comprendre, un des principes est l’apprentissage nécessaire pour transformer une aptitude naturelle en geste technique exécuté avec maitrise et précision. Lors du séminaire de deux jours, nous avions passé 2 heures sur chaque mouvement de base, donc là il va falloir compresser sérieusement.
Après de nombreux échanges et une répétition grandeur nature le Dimanche précédent notre session d’initiation, nous tombons un programme qui nous paraît pertinent :
- 10 minutes de course / échauffement
- Présentation et démonstration des principaux gestes
- Rotation des groupes sur trois ateliers clairement différenciés
- Combo de fin histoire de transpirer un peu
C’est assez marrant de me retrouver en short dans un amphi d’HEC. Et la seule photo que j’ai prise, Guillaume devant les écrans en train de montrer la page web du site MovNat, puis la vidéo d’Erwann Le Corre histoire de montrer qu’on n’est pas des mickeys mais des vrais athlètes (enfin, Erwann en tous cas) vaut son pesant de décalage culturel.
Mais pour autant nous avons un public attentif, et comprenant les enjeux du mouvement : il ya là des marathoniens, des nageurs, des tennismen, des culturistes … Un chef de produit chez Decathlon doit aimer le sport, d’évidence. Donc les notions de geste maitrisé, de mouvement, de déplacement, rencontrent des oreilles attentives.
Mais foin de discours, allons donc courir.
La mini explication sur la course est réduite à son essence : avant-pied, « fuite en avant » et 180 BPM. L’avant-pied, c’est facile à faire sentir : on saute sur place puis on court en arrière. La messe est dite. L’idée de se pencher en avant est moins intuitive … et pour les 180 BPM, je garde l’idée de Vic Verdier – la musique de Hawaii police d’état ; Ca marche bien, ça, et la troupe suit en essayant de garder la cadence.
Arrivés sur le lieu pour faire les ateliers (en savourant le fait qu’il fasse chaud et qu’on aie du soleil), Guillaume montre rapidement tout un tas de mouvements, sans doute trop pour qu’ils soient intégrés, mais ensuite nous les prenons en ateliers.
Nous avons réfléchi longuement sur la manière de structurer les ateliers. Au final, nous avons essayé de mettre en évidence la « polyvalence » de l’approche MovNat et ses fondamentaux et faisant tourner les participants sur 3 ateliers bien différents qui durent 15 minutes chacun : on n’a pas beaucoup de temps.
Les fondamentaux
Tout mouvement est un déplacement, qui entraine potentiellement (ou ou va s’appuyer sur) une perte d’équilibre, et sentir son centre de gravité est un basique absolu. La course à pied n’est qu’une chute en avant continue et maitrisée, par exemple. Le saut, une mise en déséquilibre temporaire. Bascule des jambes, bascule des bras, et
Nicolas gère cet atelier, avec des exercices (qui ont l’air) simples orientés perception et proprioception. On retrouve quelques principes clé de la mécanique newtonienne (pas quantique) : gravité, moment cinétique et aussi frottement, qui permet la transmission du mouvement, et qui a jamais essayé de courir sur un lac glacé comprend très vite l’importance de la friction. Et quand on rampe sur le sol, il y a de la friction, trop d’ailleurs!
Il y a aussi l’importance de la tension musculaire sélective : contracter ce qu’il faut, et juste ce qu’il faut, et relâcher le reste, ce qui est beaucoup plus facile à écrire qu’à faire, surtout en situation de stress où on a évidemment tendance à tout contracter.
La polyvalence … au quotidien
MovNat n’est pas qu’une discipline sportive, et revendique le fait qu’on peut l’utiliser en permanence – faire du sport 3 heures par semaine en étant avachi le reste du temps n’est pas une stratégie qui a du sens pour MovNat. De la mème manière que ne pas grossir ne se joue pas sur un régime mais sur hygiène alimentaire, MovNat peut être utilisées comme «hygiène du mouvement», au quotidien. Nous avons donc un deuxième atelier, dont je me charge, sur « bien bouger au quotidien ».
Mon atelier est très simple en terme de mouvements : se tenir debout avec une bonne posture, savoir s’asseoir et se relever, être confortable sans chaise, soulever un objet lourd … A l’exécution on voit que notre mode de vie a laissé ses traces : athlètes qui ne peuvent pas se mettre en position de squat par manque de souplesse, par exemple.
Il y a faire et beaucoup à dire également. J’aborde des sujets connexes, comme les méfaits de la position assise, l’intérêt de faire des petits mouvements au travail, le walking desk, voire la meilleure position pour aller au petit coin (le squat évidemment !).
Finalement ma position de cadre en entreprise, sédentaire et rivé à un écran me permet de parler de ma propre expérience avec une certaine légitimité – et de faire de la pub pour le disque d’instabilité Decathlon que j’utilise parfois quand je travaille debout chez moi.
15 minutes ça passe très vite ! on a envie d’en faire plus, de corriger les postures, d’enchainer sur d’autres choses, mais hop il faut faire tourner les groupes et finalement nous n’aurons pas le temps de faire notre combo, le groupe ayant d’autres impératifs ensuite.
La polyvalence athlétique
La polyvalence, c’est aussi la capacité à bouger efficacement dans plusieurs registres («être fort pour être utile »), et là on est dans une approche athlétique : tenir en équilibre, sauter, grimper. C’est l’atelier de Guillaume, logiquement car c’est lui qui a le plus pratiqué ce type de mouvements, étant instructeur de niveau 2.
Alors il a inventé un petit scénario « catastrophe » : courir dans une ville en ruines et secourir des personnes. Dit comme ça ça un côté Brucewillisesque, mais ce n’est pas l’idée, MovNat n’est pas dans un trip de super-héros, mais de capacité à agir et réagir efficacement en situation difficile. Mon fils de 19 a fait une crise d’épilepsie la semaine dernière chez des amis et porter 60 kilos raides comme un bout de bois sans se démolir le dos demande une compétence physique réelle et si on ne l’a pas apprise, il est trop tard au moment où on en a besoin.
Donc Guillaume les fait marcher en équilibre, sauter, enjamber, ramper, soulever, lancer, porter : cardio qui monte garanti, avec l’effet ludique de la mise en scène, même si elle est imaginaire, le parc d’HEC ayant peu en commun avec une ville bombardée !
La suite
Ma réflexion suite à ce mini-stage découverte est qu’on peut effectivement faire des stages de sensibilisation courts, sur le comportement quotidien et un minimum d’hygiène posturale : prendre une bonne posture contre un mur à chaque fois qu’on le peut, réapprendre à s’asseoir par terre et à se mettre en squat, se relever sans les bras histoire de faire fonctionner les fessiers.
A partir de là on peut se mettre à transpirer un peu, mais c’est une autre histoire.
J’ai posté il y a quelques jours un article sur les bienfaits du sport au travail. C’est sur, mais même avant cela, se réapproprier son corps au quotidien est un objectif intéressant et facile à accomplir avec MovNat.
Check-list
Pour mémoire, ce que je fais (ou que j’essaye de faire quotidiennement) :
- Vérifier ma posture contre un mur à chaque fois que je peux (facile au bureau)
- Travailler debout (facile à la maison, moins au bureau …)
- Me mettre en position de squat aussi souvent que je peux. J’ai commencé à le faire un peu au bureau, pas évident … par contre, en regardant la télé, pas de problème.
- Etre le plus souvent possible assis par terre. Mon autre poste de travail à la maison quand je ne suis pas debout c’est mon ordi sur une boite à chaussure dans mon salon :
- M’asseoir par terre et me relever sans utiliser mes bras. Impossible au bureau évidemment. Si possible sur seule jambe. On peut aussi se relever sans les bras quand on est dans une chaise.
- Pratiquer les transitions et l’équilibre. Il y a pas mal d’opportunités au quotidien : par exemple le matin quand on s’habille. Enfiler ses chaussures debout sans s’appuyer sur un mur. Se mettre sur un pied dans la douche ou en se brossant les dents.
- Varier les gestes et ne pas toujours être dans le geste facile. Juste faire un truc avec la main gauche quand on est droitier … ça change tout. Par exemple monter mon vélo dans les escaliers pour aller au bureau (deux étages) en le tenant de la main gauche, pas droite.
- Utiliser le squat à chaque fois que dois ramasser quelque chose par terre (mes chaussettes sales :-))
On peut trouver tout un tas d’autres exemples, et la réappropriation du corps comme outil pour bouger au quotidien parait tellement évidente une fois qu’on a commencé. Et a un vrai côté ludique aussi, hors de la discipline de « je vais faire 10 squats et 20 pompes ». Et puis on rappellera que le cerveau, à l’origine, ça sert au mouvement, et uniquement au mouvement. La conscience est un bonus dont on peut questionner l’utilité 🙂
La suite
Nous aurons un autre groupe bientôt à HEC et j’espère que ce n’est qu’un début 🙂
Si ça vous intéresse, je prends les commandes par message personnel 🙂
Et sur ce je vais aller faire un peu de quadrupédie dominicale dans mon jardin !
great job ! le vélo de la main gauche c’est bien mais la graisse ça craint 😉
Quand est-ce que je viens faire un stage de sensibilisation au CHU ? pour toi c’est gratuit 🙂
tu ne pourras pas pénétrer ce marché les syndicats ont tout phagocyté…
(sans rire, nous avons un chouette parcours santé dans le service : quasi personne ne le fait et malgré X formations des aide-soignants sur la manipulation des patients je vois toujours autant de mauvaises pratiques… comble du comble l’AS qui était « responsable » de prodiguer la bonne parole est en arrêt de travail longue durée ! #CGT)
« La course à pied n’est qu’une chute en avant continue et maitrisée » Houlala !! Ce n’est pas parce qu’on fait des ateliers pour revenir aux mouvements primitifs qu’il faut aussi revenir à des raisonnements intellectuels primitifs 🙂 Il y a un adage qui dit que « ce qui est simple est faux et ce qui est compliqué est inutilisable ».
Résumer la course à pied à cette phrase serait à la fois inexacte et même d’une grande pauvreté sur tous les points de vue (gestuelle, musculaire, biomécanique…). Même le Dr Romanov, l’inventeur de la méthode Pose a bien été obligé de revenir sur cette affirmation qui était la base de sa méthode première version. Depuis, il a mis de l’eau de son vin. Il faut dire que son conseil de se pencher plus en avant pour accélérer ne tenait pas 2 secondes à regarder un sprinteur courir. Les dents de Bolts ne viennent pas rayer la piste d’athlé, loin de là 🙂
Pour tenter de mieux comprendre le rôle de la gravité en course à pied, voici un lien plus à hauteur de la complexité de la question : http://www.borntorun.com/science-of-falling/.
Encore bravo pour votre blog toujours si bien écrit !
Merci pour le commentaire. Je pense que nous sommes en fait d’accord, et la simplification fait partie de la pédagogie :-). J’ai aussi bouquiné Romanov – mais justement je trouve que les sprinters sont sacrément penchés en avant, j’ai lu quelque part que Bolt était justement en permanence à la limite de la chute, avec un angle de 22° qui est le maximum qu’on puisse se pencher sans se casser la figure. Ca ne veut pas dire que c’est simple de ne pas tomber biomécaniquement parlant (et moi ça fait des années que je m’y confronte et ce n’est pas du tout trivial). J’ai testé l’inclinaison en avant pour accélérer et je trouve que ça marche (pun intended), à la fois par l’accélération de la cadence induite et la capacité à relever les pieds plus haut dans la phase arrière de la foulée. Je vais aller voir born to run ceci dit 🙂