Sueur, poils et systèmes d’exploitation

En nage …

En ballade facebookienne l’autre jour, je tombe sur un article du guardian, où une femme sportive raconte comme elle s’est faite toiser en rentrer en nage après son jogging dans un Starbucks.

Je me suis souvent posé la question, moi aussi, de rentrer dans un Starbucks complètement en nage, ou aller prendre mon petit-dej à l’hotel en rentrant d’un footing. Il y a toujours une petite gène, effectivement. La peur de se faire toiser, et ensuite « bon, ils pensent ce qu’ils veulent, et puis je m’en fous de ce qu’ils pensent » suivi de « ils feraient mieux de faire comme moi au lieu de s’empiffrer de scrambled eggs ».

Ma pratique quasi quotidienne des sports d’endurance m’a amené à être très relax par rapport à la sueur. D’abord, la sueur, ce n’est de l’eau avec quelques sels minéraux, voire quelques toxines de temps en temps (notamment après des excès alimentaires et alcooliques).

Une fois qu’elle a séché, il reste un peu de sel sur la peau, et c’est tout.

Les odeurs percues comme nauséabondes (dans notre culture) ne proviennent pas de la sueur mais de la dégradation du sébum et des protéines produites par les glandes apocrines (sous les aisselles et autour de l’aine) par les bactéries à la surface de notre peau, qui s’en régalent. Nous avons un rapport ambigu à ces odeurs. Même si elles sont culturellement considérées comme nauséabondes, elles renvoient aussi au désir sexuel : ces glandes produisant aussi des pheromones, substances inodores mais responsables de l’attraction sexuelle et/ou des rapports de domination entre mâles (l’un n’allant pas sans l’autre …). Regardez comme souvent sur les images de pub les mannequins ont le coude derrière la tête, exhibant une aisselle impeccablement imberbe (more on this later) signifiant symboliquement « j’envoie un max de phéromones, viens par ici chéri », ou plutôt comme les pubs sont destinées aux femmes « avec ce parfum mes aisselles vont devenir des pièges à mâles ».

En réalité donc, moyennant l’utilisation d’un peu de déodorant, on peut rentrer d’un jogging, sécher tranquillement, et se changer sans importuner son entourage par des odeurs corporelles nauséabondes. Evidemment, dans le regard de l’autre, ce n’est pas évident. « Quoi, tu ne prends pas de douche ? mais tu vas puer ! ». Heu, non en fait.

L’ayant fait fréquemment, involontairement, le week-end (les corvées familiales s’enchainant parfois sans relâche dès le retour de l’entrainement le Samedi midi), il m’arrive aussi de ne pas me doucher au boulot après être venu à vélo. Ca ne m’empêche pas de travailler et ça n’importune pas mes collègues (autrement que dans leur imaginaire, mais ça j’y peux rien).

Ce qui m’a frappé dans l’article c’est cette idée que « transpirer c’est dégueu » – d’ailleurs on dit bien « il transpire comme un porc ». Est-ce pour cela que des new-yorkaises huppées se font injecter du botox sur le front pour ne plus transpirer de la tête ? Sans doute …

Je reste médusé devant le niveau de connerie abyssale que cela signe et surtout le mépris de ses propres fonctions vitales. La transpiration est un merveilleux mécanisme de régulation de notre température à l’effort, nous sommes un des animaux les plus performants de ce point de vue, et une connasse va s’injecter du botox pour ne plus transpirer ?

Ces humains ont tellement perdu le rapport à leur propre corps que c’est d’une tristesse infinie.

Tous à poils

Vous vous souvenez sans doute du scandale provoqué par ce livre fort anodin pour enfants, que Coppé avait pris en grippe, avec toute l’extrème droite, pour partir en free-style à propos de la gauchisation des esprits, de la perversion de nos chères têtes blondes, etc. Ca m’horripile toujours de voir ces coincés de la glande sudoripare pousser des grands cris sur le sujet quand on connaît les histoires de pédophilie rampante dans l’église, mais passons.

Dans le langage commun, « à poil » signifie « tout nu ».

Pré-ado, je dessinais des « femmes à poil » en allant piocher mon inspiration dans les pages des beaux arts du Larousse, le catalogue de la redoute (oui, c’est avant internet :-)) et en essayant de mettre quelque chose sur ces espaces interdits et bien mystérieux. Par la suite, les premières revues « coquines » mettaient pudiquement des étoiles sur les tétons et gommaient les poils pubiens (oui, c’était avant Photoshop :-)). J’en resterai là de mes premières confrontation avec le grand mystère sexuel pour ne pas effrayer mes jeunes lecteurs et ma vieille maman.

Ben oui, quand on est tout nu, il y a des endroits où on a des poils – principalement dans ces zones où nous avons nos glandes apocrines. Poil et sueur, même combat ?

Mais le poil, comme la transpiration, est de plus en plus vulgaire et has-been.

Moi, ado imberbe, je révais d’un poitrail velu, symbole dans mon jeune inconscient de force, de puissance et de capacité à attirer les femelles. Il aura fallu que je me débrouille autrement :-), mais heureusement, il n’y a pas que l’image de force brute pour séduire une femme. Même si, comme le dit avec beaucoup de brutalité Jason Robillard, ex ultra-trailer  la première priorité inconsciente est d’acquérir les gènes qui maximisent la survie de l’enfant porté, la deuxième d’avoir un compagnon qui va être présent sur le temps difficile d’élevage du petit d’homme. Ce qui peut expliquer l’attrait pour les « bad boys », et de manière plus crue, l’énorme quantité d’enfants adultérins, notamment dans l’amérique des années 50 (je ne me souviens plus de l’étude, mais une cohorte sur les groupes sanguins avait fait apparaître involontairement que 20 à 30% des enfants nés dans un couple marié avaient un père biologique qui n’était pas le père social.)

Tout le monde se rase, et de plus en plus. Les hommes maintenant rasent leur torse, voire s’épilent. Les femmes, depuis longtemps, épilent jambes et cuisses, moustache et aisselles et « bikini » histoire d’avoir une transition bien nette entre l’extérieur (imberbe) et ce qui se cache sous le maillot.

En Allemagne et en Hollande, les femmes n’épilent pas leurs aisselles : c’est donc un phénomène culturel, sans doute forgé par les images de femme idéale qui nous entourent – et qui sont effectivement férocement imberbes (et photoshoppées, mais c’est une autre histoire).

En discutant avec un couple d’amis l’autre soir, qui avaient été faire séance de yoga bicram (dans la chaleur), la femme nous a fait part de son étonnement, lors de la douche collective, à voir que l’immense majorité des femmes avaient leur zone pubienne totalement épilée.

Alors ça, ça devient intéressant parce que cette partie là, elle est privée. Les aisselles, les jambes, la moustache, c’est du domaine public, tout le monde peut voir. Mais la foufoune ? Evidemment il peut y avoir une référence culturelle : la pornographie, qui s’est très largement « démocratisée » avec Internet. Ce que je considère comme une immense connerie, malgré mon côté moral libertaire, vu l’image totalement erronée que cela peut donner à de jeunes esprits sur ce qu’est la relation sexuelle.

Quand je repense à l’état dans lequel me mettait quelques photos en noir et blanc retouchées, je ne peux pas imaginer l’impact sur le cerveau et la confiance en soi de faire son éducation sexuelle avec des vidéos de mecs aux  testicules rasés et montés comme des ânes, en train de prendre dans tous les sens des bimbos au sexe d’enfant et aux seins siliconés.

Alors y a t’il une corrélation entre la consommation de pornographie et le yoga bicram ?Correlation is not causation dirait mon ami Rémi (qui doit se demander ce qu’il vient faire au milieu de ce post assez velu).

Donc, non, sans doute pas. Je n’en sais rien. Disons que ça entraine chez moi la même tristesse que le botox pour éviter la sueur. A force de vouloir faire de notre corps ce qu’il n’est pas, pour des raisons qu’on ne comprends pas mais qui ont un fondement inconscient très animal (séduction, attraction et estime de soi), on pave le chemin pour le faire fonctionner de travers (les poils pubiens sont fort utiles pour la faune qui habite dans les parages et qui nous protège d’infections plus graves …) et/ou partir tête baissée dans un monde de plus en plus virtuel et déconnecté de ce qui fait ce que nous sommes.

Operating system

Hier soir en pensant à peu à ce post j’ai regardé « Her » avec la voix super sensuelle de Scarlett Johannsson en siri sexy et j’ai trouvé qu’on était en plein dedans. Communication impossible par manque de confiance en soi et impossibilité de s’assumer comme on est (ce qui revient au même), confrontation à un idéal de soi impossible et refuge et recherche du bonheur dans le virtuel, qui après de nombreuses péripéties, fait se retrouver les humains face à face, mais c’est pas gagné.

Bug

A force de ne pas accepter d’être les humains que nous sommes, c’est à dire des animaux avec une capacité de raisonnement plus importante que les autres, mais c’est à peu près tout, faudra pas s’étonner quand une IA nous regardera avec commisération et nous transformera en croquettes pour chiens pour soulager la pauvre terre de notre bêtise – qui est principalement le refus de reconnaître cette animalité, justement.

Post à suivre sur MovNat qui est justement de mon point de vue l’antidote parfaite à ces conneries.

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8 commentaires pour Sueur, poils et systèmes d’exploitation

  1. Martin dit :

    D’une personne à l’autre, ces odeurs de vieilles sueurs changent de tout au tout. Pour l’un on ne s’apercevra même pas qu’il s’est fait un 20 bornes une heure avant, alors que l’autre embaumera toute la pièce. Flore microbienne ? Peut-être, je n’en sais trop rien. En revanche j’ai nettement remarqué que sur moi, l’absence de poils au niveau des aisselles rend cette odeur beaucoup plus « piquante » et désagréable. En outre, l’utilisation de savon peut modifier cette odeur aussi (ce qui tend à accréditer l’idée de l’action de la flore bactérienne). Il y a quelques années, je m’étais livrée à une expérience. Je voulais voir ce que ça donnait de ne plus utiliser de savon pour le corps. Douches quotidienne, mais sans savon ni shampoing (sauf pour les mains plusieurs fois par jours pour des raisons d’hygiènes évidentes bien sûr). Passés les premiers temps, plus d’odeur particulière décelable (même pour les parties plus intimes). Aujourd’hui il m’arrive d’utiliser savon et shampoing, juste parce que j’aime ça. Mais si je le fais plus d’une fois par semaine, je suis certaine de sentir le lendemain !

    Je déplore cette mode qui gagne du terrain… les hommes glabres manquent terriblement de virilité, à mon goût tout au moins. Mais peut-être suis-je trop vieille pour « comprendre » cette nouvelle manie 😀 . Le poil est le signe de l’entrée dans le monde adulte, de la puberté. Un homme sans poils me fait immanquablement penser à un gamin. Pas très propice aux grands élans charnels ça !
    Quant aux femmes, la pression permanente qui sévit sur leurs poils est vraiment très forte. « Sale », « dégoutant », « gouine » (aucune honte à être lesbienne pourtant), etc. et puis les regards, les mots dit juste assez hauts pour qu’on comprenne bien à quel point nous sommes anormales avec nos poils, animal…

    Par contre je me permets de disconvenir très respectueusement à l’utilisation de ce nom dont tu affubles cette dame se faisant injecter du botox sur le front pour ne plus transpirer (ton lien ne fonctionne pas semble t-il). « Connasse »… une action peut être très conne, une manière de penser aussi, mais une personne ? Qui sommes nous pour en juger ? Et comment condamner de manière globale un être-humain alors que nous ne connaissons de lui que les quelques secondes de sa vie qu’un journaliste aura choisi et présenté d’une manière possiblement orientée ?

    • paleophil dit :

      Merci pour cet excellent commentaire madame Martin 🙂 et tu as raison mon énervement me rend intolérant alors que je devrais être juste énervé contre la pression sociale que ce comportement signe et pas sa « victime » … En plus connasse est une insulte sexiste …

  2. nfkb (@nfkb) dit :

    http://www.nytimes.com/2014/05/25/magazine/my-no-soap-no-shampoo-bacteria-rich-hygiene-experiment.html?_r=0

    http://motherdirt.com/?page=

    http://www.aobiome.com/

    La gestion de la pilosité est éminemment culturel. Mais tout le monde se fout de mes guiboles dans mon groupe cycliste, que vais-je faire de mes pattes velues en 2016 ? #suspense

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