Je continue toujours à m’entrainer 5 fois par semaine. C’est à la fois peu et beaucoup. Avec un job prenant, des déplacements et une vie à côté c’est pas toujours facile de caser les séances, surtout celles qui requièrent une piste. Alors des fois j’étalonne des bouts de route, ou je me retrouve sur des pistes qui ne font pas 400 mètres comme à Washington ou à … Champcevinel, ou j’y vais au feeling.
Cela réclame un vrai travail de planification, ce qui n’est pas vraiment ma spécialité. La semaine (est-ce que je vais courir le matin, le midi, le soir), la séance elle même (Où la faire ?Où trouver une piste d’entrainement ? Une côte au milieu des parcs à huitre ?) et surtout comprehension de la séance elle-même qui n’est pas toujours triviale.
Mon rituel est souvent de recopier sur un petit papier les allures qui vont être nécessaire et je commence à être familier des temps au 100 mètres, ce qui reste encore le meilleur moyen de s’étalonner sur piste. Low tech mais efficace. Incroyable la différence entre un 100 m en 30 secondes ou 25 ou 22, surtout si on doit le tenir pendant 2 ou 3 ou 400 mètres.
Le petit papier finit souvent trempé de sueur ou de pluie, malmené comme mon corps par la séance d’entrainement …
Ces dernières semaines j’ai fait des séances des lendemains de cuite (temps moyen de disparition de la migraine : 20 minutes), sous la pluie battante sur la route, en plein cagnard au milieu des parcs à huitres, et le plus souvent avec des variations climatiques pendant la séance. A Paris, Washington, Chaillevette, Périgueux …
Hier soir par exemple. Aller retour à Lyon dans la journée en TGV, retour à 17 heures, vite au stade en voiture, j’enlève mon costard vite fait et peu motivé, étant quasiment somnolent dans la voiture. envie de rentrer et de décaler au lendemain, mais le lendemain (aujourd’hui) j’ai 1h20 en endurance …
En plus j’ai les tendons raides, il y a un petit vent frais et le ciel est tout noir. Il faut faire des 200, des 300, des côtes, des montées de genoux, et les 20 minutes d’échauffement sur la piste, ce qui est assez barbant. Mais bon. Je reprends le plan, fais une synthèse sur 10 cm2 que je plie soigneusement, essaye de trouver une petite côte dans le stade du Parc Saint Jean (je trouve pile 150 mètres, super !).
Finalement la machine se met en route petit à petit lors des 20 minutes d’échauffement (finalement à plus de 50 ans l’échauffement ça compte …) et les 200, les 150, les 300, tout s’enchaine. Mes capacités d’anticipation téléologiques augmentent, ça c’est sur (à défaut de mon VO2max 😦 ). Il faut partir à 30s au 100 ? OK, au feeling, premier passage 29 secondes. Accélérer, ralentir … et toujours essayer d’être « dedans ». C’est un vrai effort … intellectuel, en fait !
Et en fin de séance le ciel lavé se dégage, des couleurs incroyables et saturées, sans doute sublimées par l’effort que je viens de faire. Je me mets torse nu, les pieds en l’air et je reste 5 minutes à juste apprécier la paix intrinsèque du lieu. Un peu comme une église, mais à ciel ouvert et sans crucifix :-). Dommage, je n’ai pas de photos, je ne cours pas avec le téléphone …
Retour à la maison, download des données, je regarde ce que ça donne par rapport au plan, fait quelques stats en espérant toujours faire émerger des progrès massifs alors que tout cela est très incrémental.
Dans ma jeunesse j’ai eu mon lot de séances d’analyse. Il y avait aussi le jeu de cache cache avec la « vraie » vie, l’avant, le pendant et l’après, et cette tâche de fond en permanence qui oriente quand même la vie qu’on mène, qui modifie l’interaction qu’on a avec les autres. Même si j’ai baissé de quelques décibels mes tendances naturellement prosélytes, comme par hasard le premier sujet de conversation dans le déjeuner très professionnel de ce midi était la course à pied et l’alimentation.
Il faut dire, avec 6 millions de coureurs en France, c’est plus facile que de discuter de la magie de l’accord de Fa#mineur 7/11 qui est aussi un Mi mineur 9 sus 2 (ce qui est aussi un sujet passionnant, quand on y pense :-))
La morale de l’histoire, d’un point de vue sportif et psychologique, c’est que les meilleures séances sont souvent celles que j’aborde sans trop d’envie et/ou avec les pétoches. Et que dans la plupart des cas la « transfiguration » s’opère et je vais bien mieux en fin de séance qu’avant de la faire. Même si je suis présentement avec de l’argile barbouillée sur mes tendons d’Achille, en espérant que c’est thérapeutique et pas métaphorique 🙂
Bref : faut y aller même et surtout quand on n’a pas envie. Voilà tout. Et on est récompensé au centuple. Ce qui rejoint une autre idée : c’est important de se faire un peu « mal ». Pas dans une posture masochiste, au contraire pour « nourrir » notre corps qui en a besoin. Trop de confort tue, un peu d’inconfort permet de se sentir fort et vivant, et sans doute … de prolonger la vie, réellement.
Allez, c’est l’heure de la douche froide 🙂
Je te rejoins tout à fait. Quand on n’a pas envie d’y aller c’est tellement incroyable la transformation qui s’opère pendant et après… Mais se botter les fesses requiert aussi une telle volonté.
J’aime bien ce post. Tu décris bien l’abnégation de la facilité.
Les autres comprennent mal la frontière entre le courage de sortir du confort et le masochisme. Pourtant ça n’est vraiment pas pareil.
Après il faut savoir garder la tête froide et bien placer/gérer les récups c’est aussi de l’entraînement.
Comme le disait le champion Vincent Delebarre à qui je posais des questions sur l’organisation de la charge de travail l’entraînement c’est avant tout un état d’esprit…
Ciao
PS ta réflexion sur du plus long que le marathon avance ?
Salut,
Sympa de continuer à lire alors que tu es en plein GR20 espèce de veinard. Merci pour ton message, c’est vrai que c’est compliqué à faire comprendre. Concernant le +long que marathon, un de mes meilleurs amis (gregory – http://firstquartilerunners.wordpress.com) me relance pour faire la Saintélyon cette année. Je devais la faire l’année dernière et je me suis blessé au marathon de la rochelle. Alors je me tâte. Evidemment ça me fout les jetons. Mais ça me tente aussi. Et puis un grand trail aussi … et puis un petit triathlon aussi … mais j’ai encore des comptes à régler avec le 42,19. Disons que tant que je sens que je peux progresser sur cette distance, j’ai envie de continuer. Une fois que je je saurais que je ne peux pas faire mieux et que dégringoler, il sera plus facile de passer à autre chose. Quoique faire des championnats de France de Marathon en catégorie VH10 ça pourrait être sympa aussi 🙂