Amorti, amorti …
Un des mots clé de la course à pieds. Depuis mes premières Nike Air achetées en solde …
dont j’adorais l’allure extra terrestre et l’impression de marcher sur un « coussin d’air », tellement contre-intuitive, j’ai parcouru beaucoup de chemin (si j’ose dire).
Nike continue à faire la même chose …
Moi j’ai essayé Asics, Diadora, Brooks … Born to Run a été un déclencheur puissant, voir les Tarahumaras sur Youtube en train de courir en sandales aussi,
Plus j’avance et moins j’ai d’amorti, me régalant de la sensation du sol sous mes pieds – sans avoir franchi le rubicon de courir pieds nus, mais ça viendra peut-être un jour. Aujourd’hui mes « go-to shoes » sont des Inov-8 et les Five Fingers, dont j’ai amplement pris des photos dans mon quotidien.
Prosélytisme
J’ai mis la pédale douce, comme j’en parlais dans un post précédent. Il y a à peu près consensus sur le fait de courir sur l’avant pied plutôt que sur le talon, mais la transition est longue et difficile, et il est du coup absurde de vouloir faire passer au minimalisme le pote qui court une ou deux fois par semaine. Une bonne grosse paire d’Asics bien amorties fera l’affaire.
Ultra Luna
Discutant l’autre jour avec Thierry Adeline de Passion Running qui revenait d’une course de 350 bornes en une semaine, il m’avouait avoir vu à son grand étonnement un compétiteur qui courait en luna sandals, l’équivalent des « chaussures » des tarahumaras et qui avait fini une étape pieds nus, ayant des soucis avec ses lacets ! Lui même s’est sérieusement blessé malgré gros amorti et bas de compression sur les mollets (malgré ou à cause de ?)
Science
Je reste sur l’expérience de Liebermann qui dit que l’onde de choc se propage de toute façon au niveau osseux, et que amorti ou pas ne change rien, coureur lourd ou pas lourd. Donc cette idée de chaussures « très amorties » parce qu’on est lourd relèverait plutôt du placebo ou pire du médicament qui cache le symptôme : l’amortissement perçu par la plante du pied laisse à penser que tout va bien au niveau impact et permet d’aller trop loin et donc de se blesser.
C’est très bien expliqué sur son site …
Il est vrai qu’en première approche c’est agréable de ne pas sentir l’impact du sol. D’ailleurs beaucoup de marques jouent sur cet aspect : que ce soit l’Air de Nike, ou le « Running on clouds » de
On, et chacun a breveté son amorti, le dernier en date étant celui d’Adidas qui ressemble à un vieux polystyrène mais paraît il fait des miracles. Evidemment cela perturbe le fonctionnement du pied, la perception du sol, la dynamique et donc est quelque part potentiellement néfaste.
Dropping the drop
Moi qui cours avec des chaussures de moins en moins amorties et de plus en plus légères (Inov-8 3mm pour la course, Inov-8 zéro drop pour le quotidien, et VFF une ou deux fois par semaine sur 8 à 10 bornes), quand j’ai remis mes Adidas de trail l’autre jour j’ai vraiment eu l’impression de courir avec des sabots cotonneux, si ce genre de chose peut exister.
Mais la vraie question que je me posais en discutant avec un copain très scientifique l’autre jour, c’est :
L’utilité énergétique de tout ça ?
Je m’explique : nous coureurs fantasmons tous sur le fait d’avoir des foulées de 3 mètres d’amplitude, « walking on the moon » comme dirait Sting, et donc d’avoir un maximum de restitution d’énergie. Déjà une jambe et un pied humain bien entrainés peuvent restituer jusqu’à 70% de l’énergie de l’impact, ce qui selon un principe de ressort qui se tend (accumulation d’energie) et se détend (restitution).
A noter que c’est pour cela que c’est pas utile d’être trop souple des membres inférieurs quand on est coureur de fond : un bon ressort, c’est raide. Le corps humain, ayant la capacité à produire de l’énergie, est capable de rajouter les 30% nécessaires pour avancer à chaque foulée, c’est pour cela qu’on brule des calories et qu’on transpire.
Actif ou passif ?
La chaussure est un dispositif passif : à chaque foulée, lors du choc, la semelle se déforme (accumulation) et reprend sa forme initiale lors de la phase de suspension (restitution). En aucun cas elle ne peut créer de l’énergie, donc même des systèmes de type ouvertement «ressort » comme l’atroce Blade d’Adidas …
… n’ont aucun effet miraculeux. A la limite, ils pourraient peut-être restituer plus de 70% , sachant que la limite physique est 100% ? Si on regarde le rebond de la bille chez Adidas , il est évident que c’est moins de 70% (cela serait un rebond à 70 cm d’une bille lâchée d’un mètre de hauteur) et sur la vidéo si c’est 50% …c’est bien le maximum.
Par ailleurs une attaque talon doit elle restituer bien moins d’énergie, et renvoie une onde de choc qui est potentiellement génératrice de blessure.
L’impact de la chaussure doit être vraiment minimal (si j’ose dire).
Si on considère qu’un des principes du sport d’endurance est la capacité à dépenser le moins d’énergie possible pour parcourir une distance donnée à une vitesse donnée, l’amorti est notre ennemi. Si on ajoute le poids de la chaussure (dont il faudrait calculer le travail), ça ne fait qu’empirer les choses. C’est ce qu’a l’air de dire Jack Daniels (non pas le Bourbon, bande d’alcoolos, le coach …) dans cet article ou celui là .
On peut donc légitimement se poser la question de l’utilité de chaussures comme ça :
Ou ça :
Ou ça :
Ou ça :
Avec quand même l’idée que si il y a moins d’amorti avec la semelle, il faut que les muscles jouent ce rôle et si c’est un muscle, ça consomme de l’énergie alors qu’une semelle ne fait qu’en dépenser.
Reste la protection contre les chocs répétés, dont je ne sais pas si c’est un fantasme ou une réalité.
Moralité …
Je vais continuer à essayer de courir sur l’avant du pied avec des chaussures les plus légères possibles. C’est ce qui me semble le plus logique, jusqu’à preuve du contraire … mais j’accepte la contradiction avec bonheur, alors lâchez vous si vous n’êtes pas d’accord avec moi !
On peut essayer les chaussures en farine cuite …
Ou pas de chaussures du tout 🙂
L’important c’est de ne pas devenir fou devant le choix !
Tu sais que je partage ton point de vue. Je viens d’ailleurs de faire 100 bornes en moyenne montagne avec des Peregrine (drop 4) amorti =?
Par contre durant cette aventure j’ai suivi un vrai grand champion qui appréciait ses Hoka…
Bref. La vérité est multiple 😉
Cet après-midi en traînant dans les rayons running je suis resté pantois devant des talonnettes absorbant les chocs. En allant piquer le lien sur le site je tombe sur ce commentaire : « Avec ces talonnettes en gel, mon talon est légèrement surélevé donc plus de renfort de voute qui me rentre dans le pied et l’amorti du talon est juste parfait. Bref, j’ai transformé mes Salomon en chausson. » Comme tu dis, la vérité est multiple.
Cela dit j’aime bien tes baguettes à lacets. Avec deux tranches de jambon en guise de semelles de propreté ça te fait un sacré casse dalle 🙂
Ouais… Le gars qui court en Salomon ne doit pas courir souvent hein… (Ou alors il a un très gros budget pantoufle 😉 )
on peut essayer aussi la tranche de reblochon comme semelle de propreté, je pense que ça amortit plus que la tranche de jambon 🙂 plus sérieusement, c’est cette croyance d’absorber les chocs qui est juste une illusion. A laquelle j’ai souscrit très longtemps…
Pareil. Il y a deux ans et demi j’adorais l’amorti de mes Wave Rider. De vrais pantoufles.
A tester Brooks puredrift … Un régal
55 USD aux US, 80 euros en solde en france … grrr. Lors de mon prochain voyage ! Merci pour l’info.
Je suis dans la même situation que toi. J’ai démarré avec des pompes qui donnaient l’impression de voler. Pour le minimal, pas de VFF mais des Skechers GoRun qui me conviennent très bien. Ma transition prend effectivement un temps énorme.
Pour les ultra (100km et plus), je n’arrive pas à franchir le pas. Il parait qu’à la fin on est content de l’amorti. Je les fais en Cascadia 8 et ça va bien. Cela dit j’ai vu il y a pas longtemps un coureur d’ultra qui démarre en « minimal » et installe des talonettes à partir du 50° kilomètre. Peut-être une bonne idée. En tout cas le fait que quand on est rincé on talonne n’est pas contesté alors qu’il pourrait l’être aussi non ?
Un lien intéressant amené par mon camarade qui m’a fait prendre conscience du fait qu’il n’y avait pas de création d’énergie .. lui est allé voir du côté du handicap et de la prothèse … j’aurais pu y penser moi aussi !
http://www.iaaf.org/news/news/oscar-pistorius-independent-scientific-stud-1
Quand on remplace toute la cheville par une lame en fibre de carbone, là on gagne en économie de course !
Affaire de mode, le minimalisme comme l’abus d’amortis. Dans une chaussure, il faut être bien, et sentir qu’elle nous porte. Le reste, c’est dans les cannes 🙂
Merci pour l’article. J’ai apprécié.
Salut Phil ! (ah toujours « Un jour sans fin »…). Un article de Julien de Vivre-Paleo qui pourrait t’intéresser sur le sujet minimaliste : http://vivre-paleo.fr/course-pied-nu/
Bonne lecture !
Un paléo-bouffe qui découvre la paléo-course 🙂 moi j’ai fait le chemin inverse. Les études de Libermann sur l’évolution du corps humain et l’adaptation à l’effort d’endurance sont passionnants. Merci pour le lien.