Je bouquine un peu avant d’aller me coucher et je tombe sur un article super. Ca fait un moment que je m’interroge sur la pertinence du comptage d’énergie ingérée sous forme de calories (qui je le rappelle, a à voir avec l’élévation de température de l’eau quand on fait bruler le nutriment en question).
Technique inventée par un chimiste du 19eme siècle, et qui a le mérite de la simplicité. Glucides : 4, Protides : 4, Lipides : 9. Mais en fait c’est tout faux mais tellement répandu qu’il est difficile maintenant de penser autrement.
Comme le clavier qwerty qui à l’origine a été inventé pour séparer les lettres qu’on tapait fréquemment ensemble pour éviter que la machine à écrire ne se bloque … comme sur cette image.
Quelques constructeurs informatiques courageux ont essayé de faire des claviers plus logiques (alphabétiques en fait) et n’ont jamais réussi à percer parce quand on s’est fait chier à apprendre à taper à la machine, on n’a pas envie de réapprendre tout (c’est pareil avec les logiciels de bureautique mais c’est un autre sujet).
En fait la nourriture est processée dans le corps humain, et vous aurez tous remarquez que nous produisons des déchets. Bin oui. Mais il y a combien de calories dans ces déchets ? Sachant que nous avons coévolué avec des plantes qui ont utilisé nos déplacements pour permettre un déplacement des graines – le fruit est bon mais la graine n’est pas digérée, donc les calories qu’elle contient ne comptent pas. La tige de la plante n’est pas digérée non plus, par contre sa digestion consomme des calories !
Et plus les bactéries dans votre estomac vont aussi jouer un rôle important et même … la longueur de votre colon, qui est la zone d’absorption principale des nutriments, et qui varie massivement d’une personne à l’autre.
Oui, sur ce blog, on apprend des choses passionnantes (et je réfrènerai ma passion pour les blagues scatologiques, dans le contexte c’est trop facile) !
Donc, déjà il y avait le débat « is a calorie a calorie ? » (est-ce que toutes les calories se valent, un grand classique de Gary Taubes) mais maintenant il y a aussi … ce que l’organisme va faire des nutriments en question et quelle quantité d’énergie il va devoir utiliser pour les transformer et les rendre utilisable.
On voit là comme les modèles structurent la pensée et l’analyse de la réalité. Même quand ils sont faux, ou en tous cas très approximatifs. Mais aussi la difficulté de construire d’autres modèles, parce que quand il y a trop de paramètres on est perdus, notre pauvre cerveau n’arrivant pas à tout traiter.
L’article complet est là et il est absolument passionnant. Et il faut vraiment que j’aille me coucher, moi !
En effet, c’est une info importante, qui semble confirmer que tout comptage de calorie est futile. C’est sans doute le cas, puisque les aliments ne contiennent pas les calories indiquées dessus, qu’on les absorbe incomplètement, qu’on en rejette une part variable, que l’impact hormonal modifie encore le schmilblick… mais il faut garder à l’esprit que cela n’invalide pas le principe global qu’il faille un déséquilibre entre les calories absorbées et dépensées pour avoir une prise ou perte de poids (hors fluctuations hydriques liées au sel et au glycogène).
Après, il y a divers moyens de diminuer l’apport calorique, parmi lesquels une alimentation de type paléo et/ou « low carb » (qui entraînent souvent une diminution spontanée de la consommation, mais pas toujours).
Reste que dans cette veine de nombreux gourous prêchent un soi disant « avantage métabolique » de l’alimentation « low carb » : à calories consommées égales, ce mode d’alimentation permettrait de perdre davantage de poids… ou de consommer un peu plus de calories sans changer de poids. Il y a quelques études qui semblent confirmer effectivement cette différence, ce qui est séduisant, mais là mon esprit critique sort deux questions sa boîte :
1 / Est-ce réellement un effet magique des gras, ou simplement un artefact résultant de notre incapacité à réellement estimer notre besoin/consommation/utilisation de calorie et celles contenues/disponibles dans les aliments ?
2 / A supposer que cet avantage métabolique soit réel (donc le corps absorbe bien la même quantité de calories, mais va en brûler plus), est-ce réellement un avantage du point de vue de notre santé ?
Cette seconde question n’est pas anodine. Parce que perdre du poids c’est une chose, mais ça n’est nécessaire que pour certaines personnes et pour un temps limité. Si on se place dans le contexte de l’alimentation « optimale » à vie, cet « avantage métabolique » semble moins important (d’autant qu’il est modeste), et pourrait même être… un désavantage ! Un système (biologique ou autre) qui a besoin de plus de carburant pour effectuer le même « travail », c’est un système inefficace, qui gaspille/dissipe inutilement de l’énergie, ce qui est rarement une bonne chose. Je me demande donc, sérieusement, quel impact à long terme cet « avantage » pourrait avoir en terme d’usure/fatigue de l’organisme.
Je tends à penser que l’avantage métabolique en question est davantage lié à la proportion de calories absorbées et rejetées qu’à un métabolisme inefficace, mais je n’ai aucune certitude. Simplement, gardons à l’esprit qu’il y a beaucoup plus de questions que nous n’avons de réponses.
Mon point de vue :
Question 1 : L’alimentation paléo recommandant beaucoup de légumes, de noix, de viande crue (il faut à ce propos essayer la tranche de rumsteak marinée crue avec du gingembre, de l’ail et de l’huile d’olive …), il parait logique au vu de l’article, qu’elle soit plus difficile à digérer que de la nourriture industrielle processée, donc réclame plus d’énergie pour être transformée … en énergie, justement. Et comme dans l’alimentation classique on a une part de glucides plus importante et facile à assimiler (pense pates ou riz ou corn flakes : on peut supposer que plus l’IG est élevé et plus c’est facile à digérer), si on remplace du facile à digérer par du difficile à digérer à isocalories, le solde « net », « bon pour stockage » devrait être inférieur.
Question 2 : celle là elle est plus ardue :-). je m’appuierai sur les arguments évolutionnistes. Vouloir perdre du poids est une idée récente, puisque jusqu’à il n’y pas très longtemps, personne n’avait besoin de ça. La prise de poids sous forme de graisse est un mécanisme normal et temporaire de stockage d’énergie chez tous les mammifères (les autres animaux, je ne sais pas, c’est une bonne question). Les oiseaux migrateurs qui vont voler 2 semaines d’affilée doublent leur poids en graisse sur le mois précédent et consomment la graisse pendant le vol, exactement comme un 747 va bruler son kérosène, et ils arrivent vidés, au sens propre et au sens figuré. Ca illustre bien pour moi l’idée de réserve temporaire, liée à l’aspect aléatoire de l’accès à l’énergie. Les animaux sauvages qu’on chasse, ont des taux de masse grasse de quelques % l’été et prennent du gras en automne. Nous sommes comme un frigo qui est toujours plein. Ce qui parait « naturel » c’est d’avoir de légères fluctuations pour que le système de régulation fonctionne comme « il a été prévu pour ». Mais sommes nous prévus pour vivre 120 ans, c’est une question qui vaut son pesant de télomères 🙂
Pour revenir sur l’efficacité du système, intuitivement je dirais que ce n’est pas la question. Nos mécanismes de régulations sont optimisés pour de l’aléatoire et en ce qui concerne l’alimentation pour acquérir l’énergie par de multiples sources. Si on voulait optimiser à fond, on pourrait juste s’injecter, ou boire, un mélange d’acides gras, de glucose et de protéines (il y a d’ailleurs un américain fou qui teste ça en ce moment, mais je n’ai plus le lien). Mais quid de la flore bactérienne intestinale, de l’activation du système immunitaire parce qu’on mange du cru, des micro nutriments que contiennent les aliments, etc ?
Pour conclure (temporairement) sur l’efficacité énergétique, le bouquin de Nick Lane sur les mitochondries (http://www.amazon.com/Power-Sex-Suicide-Mitochondria-Meaning/dp/0199205647) le présente comme un argument en faveur de l’accroissement de la complexité : à iso-masse, tu consommes bien moins d’énergie que ton équivalent en colonie bactérienne.
C’est quand même une bonne nouvelle pour démarrer la journée, et sauter le petit déj parce que j’ai pris trop de temps à écrire cette réponse !
question 1 : on pense pareil 😉 Bien qu’ex-paléo, je reste convaincu qu’un maximum d’aliments « vrais » est fondamental pour une bonne santé. De ce côté, j’ai quelques sympathie pour l’approche de Joel Fuhrman : privilégier le meilleur ratio nutrition / calories… et le plantes sont championnes pour ça ! Par contre, de là à éliminer tout produit animal il y a un pas que je ne suis pas prêt à franchir.
Question 2 : on va clore le débat, car ni toi ni moi n’avons de réponse, et le fil de commentaire n’est pas vraiment le meilleur lieux pour creuser. C’est intéressant parce que tu as ces deux écoles de pensée : la restriction calorique d’une part, qui a fait ses preuves, et au contraire ceux qui prônent le métabolisme maximal (Ray Peat, Matt Stone, etc…). La RC dispose d’un passif très convainquant, mais conceptuellement les deux écoles ont des arguments intéressants. Aucune certitude de mon côté, mais je tends tout de même à pencher du côté de la **modération** calorique, ou plus exactement du maintien d’un IMC de forme relativement bas associé à un niveau d’activité moyen-élevé.
Ce sont des questions un peu annexes, mais passionnantes. Pour moi, l’essentiel se résume à manger nutritif, en quantité appropriée, et à être actif. Je suis d’ailleurs très fan de la formule de Pollan : « Eat food, not too much, mostly plants ». C’est une synthèse très élégante ! Par rapport au dogme Paléo, je pense juste 1 / que les glucides sont une source d’énergie parfaitement acceptable, même en proportion élevée, et 2 / que la diabolisation des grains/laitages/PUFAs est très très exagérée et généralement infodée.
L’idée des fluctuations indispensables, à la Taleb/De Vany, c’est conceptuellement séduisant et je tends à y adhérer… mais difficile de savoir le poids concret à lui prêter dans telle ou telle circonstance. C’est aussi vague, flou, et parfois trompeur que les « arguments évolutionnistes ».