Quand je discute de pratique sportive avec des amis j’entends souvent «courir c’est trop chiant», «comment tu peux trouver intéressant de courir 40 kilomètres ?» et autres «Ouh moi j’arrive même pas à courir 5 minutes, alors …». Voici 10 petites réflexions personnelles … et bonnes raisons d’enfiler ses running et d’aller transpirer un peu.
1. Retrouver des sensations archaïques. La course est sans doute le sport le plus «primitif » qui soit – juste avant le javelot et le lancer de poids. Pourquoi les chimpanzés, qui ont un ADN à 99,5% identique au notre, sont couverts de poils et nous non? L’adaptation à la course, mon cher Watson ! La fourrure protège du froid mais réduit la capacité d’évacuation thermique. Quand nous courons, environ 75% de l’énergie consommée est transformée en chaleur, et si on ne l’évacue pas, notre corps apprécie assez peu – une hyperthermie de quelques degrés peut entrainer la mort, c’est pour ça que les marathons quand il fait chaud et humide sont dangereux. Toujours dans la catégorie adaptation, nous avons plus de glandes sudoripares, et le pied humain est une petite merveille de mécanique, avec l’arche des orteils qui fonctionne comme un super ressort pour renvoyer l’énergie de l’impact. En fait les humains sont les animaux avec la meilleure endurance, toutes espèces confondues. Beaucoup d’animaux vont nous battre au sprint, mais quand on court après son steak dans la savane, c’est le marathon qui compte, pas le 100 mètres. Si on ajoute à cela que l’accès aux protéines a permis le développement du cerveau, notre ancêtre qui court plus vite que les autres membres de la tribu va avoir un meilleur accès à la viande, développer son cerveau et ses capacités, et au passage épater les femelles de la tribu sans doute … Courir, surtout en forêt, c’est reconnecter avec ce sentiment primitif, mais en sachant que le steak est déjà dans le frigo, ce qui est quand même plus confortable. Et comme on est dans l’archaïque, les émotions et perceptions générées sont profondes et puissantes. Le feeling quand on a un bon rythme et que tout baigne et qu’on a l’impression qu’on peut continuer comme ça pendant des heures est comparable à d’autres perceptions primitives que je ne détaillerai pas ici :-). Nous sommes « câblés » pour se sentir bien quand nous pratiquons des activités qui ont a moment donné ont été liées à notre survie, et la course en fait partie.
2. Etre zen. Toujours dans cette veine, après une heure de course, l’organisme génère plein d’endorphines (intérêt biologique : ne pas sentir la fatigue pour pouvoir continuer, bénéfice secondaire : tout va bien merci) et le bonne nouvelle c’est que ça continue pendant un bon moment après. Réunion chiante, embouteillages, et autres avatars de notre quotidien urbain passent beaucoup mieux après une petite séance aérobie. Les chaussures de jogging et les tests de VO2max devraient être remboursés par la sécu.
3. Réfléchir. La course en solitaire, réputée ennuyeuse, est un fabuleux moment de réflexion/méditation. Combien de temps passons nous sans le portable qui sonne, le collègue qui rentre dans le bureau, et autres distractions qui nous empêchent de nous « centrer » ? L’exercice aérobie, qui nécessite une oxygénation des muscles pour pouvoir produire l’effort, oxygène également le cerveau : lors d’un effort d’endurance moyen, la quantité d’oxygène transportée par le sang va doubler ou tripler par rapport au repos. Cerveau oxygéné et solitude amènent assez facilement un état intérieur proche de la méditation, où les pensées flottent, et souvent le problème insoluble de la veille trouve une réponse qui émerge naturellement, sans effort … mental.
4. Se réapproprier son corps. En même temps, il y a l’écoute du corps, toujours nécessaire. Est-ce que je vais trop vite, pas assez vite ? Comment je me sens par rapport à la dernière fois ? Ce tendon qui m’a ennuyé lors de la dernière sortie, est-ce que je vais réussir à le garder sous contrôle ? Pourquoi je suis fatigué après telle ou telle séance ? Source inépuisable de sensations et de réflexion sur le fonctionnement de notre organisme, la nutrition, et les ravages de notre vie sédentaire, que chacun peut pousser jusqu’où il le souhaite. Indice : on estime qu’une personne qui fait 7 heures de sport par semaine est un athlète et en même temps il y a une corrélation entre l’espérance de vie et le temps passé assis. Cherchez l’erreur …
5. Récupérer après des excès. Après une soirée trop arrosée, réveil avec casquette à boulons, les options sont soit de passer la journée comme une limace en se bourrant d’aspirine et en maudissant soit mon incapacité à ne pas boire plus que je ne devrais, soit le fait que la gueule de bois passait plus vite à 20 ans qu’à 50 – ou de mettre les chaussures et aller accélérer le nettoyage de mon organisme en courant tranquillement une heure. Et là la magie c’est que la migraine s’évanouit après quelques dizaines de minutes et que la machine se remet en route, et que de retour à la maison tout va bien. C’est magique. C’est pas pour ça qu’il faut se bourrer la gueule tous les samedis, mais si on ne peut pas y échapper, ça aide.
6. Se la péter avec du matos de ouf. Pour les « geeks » comme moi, on dispose maintenant d’outils géniaux pour s’entrainer. La montre/GPS/Cardio qui vous sort les stats sur votre entrainement et vous montre votre parcours sur Google Maps. Bon, la carte Google on s’en fout un peu mais pouvoir connaitre ses temps intermédiaires dans avoir besoin d’aller faire des tours sur une piste, c’est vraiment cool. Le nombre d’applis disponible est colossal, les premières montres cardio sans capteur autour de la poitrine vient de sortir … on n’a pas fini de tester du nouveau matos !
7. Redécouvrir l’humilité et apprendre que les miracles, ça n’existe pas. Participer à une compète ou courir avec un pote qui a un VO2max 50% supérieur au votre vous apprend plein de choses. D’abord, que la reproduction sexuée est injuste, mais c’est justement à ca qu’elle sert : la reproduction par division cellulaire est bien plus efficace, mais ne génère pas de diversité, par construction. Si un méchant virus arrive, tout le monde meurt ; nous, non, enfin, pas pour l’instant. Générer de la variété permet une plus grande adaptabilité : Lance Amstrong a un VO2max de 90 et moi de 60 ; c’est lié certes à la différence d’entrainement (pas uniquement de dopage …) mais surtout au fait que nous n’avons pas le même code dans nos ADNs respectifs. J’aurai beau m’entrainer, je pourrai augmenter de 20, 30% max et c’est tout. La bonne nouvelle c’est que ma survie n’en dépend pas, je peux aller acheter mon steak d’antilope chez Picard. Et la modestie, c’est aussi d’accepter de faire plein d’endurance à 10 à l’heure pour pouvoir cartonner sur une course.
8. Se battre contre soi même et personne d’autre La compétition est avant tout une compétition avec soi-même, puisqu’on sait qu’on ne sera jamais des champions : donc la question devient – comment faire pour faire le meilleur temps possible compte tenu de mon potentiel ? Je ne ferai jamais un marathon en 2:30, mais si je passe de 3:20 à 3:09, je suis mon propre champion. Et on le sent bien dans les courses, où on se regroupe autour d’objectif identiques.
9. Ecouter de la musique différemment. Avec un iPod, on peut facilement se faire un play-list correspondant à la séance qu’on va faire. Et c’est facile de se synchroniser sur le beat du morceau, et ca oblige à avoir une foulée régulière. Un bon Jeff Beck en pleine forêt, que du bonheur. Ceci dit depuis quelques mois je cours sans musique, préférant écouter le son de la forêt et me concentrer sur mes sensations physiques.
10. On peut le faire n’importe où et tout le temps. Quoi de plus simple que de mettre un short et des running, et hop, dehors ? L’endurance ne diminue pas tellement avec l’âge, donc hors problèmes articulaires, on peut courir vieux. Pas besoin d’aller dans un club de gym ou de prendre la voiture, et pas de temps perdu. Plus jeune, je faisais de l’équitation : 2 heures de préparation pour 45 minutes sur le cheval. Beaucoup de temps perdu !
Et en bonus, une onzième raison : il y a autant de manières de courir qu’il y a de coureurs. Faire un petit jogging de décrassage, ou préparer un marathon, ce n’est pas la même chose. On peut taper la discute avec des potes en faisant de l’endurance ou faire des fractionnés qui vous font vous demander où est passée l’oxygène de l’atmosphère, tout à coup. On peut lire 50 bouquins sur l’entrainement et la nutrition ou y aller au feeling. Faire du trail, de la route, de la piste … il y a pour tous les goûts, et dans tous les cas, il y a quelque chose à aller pécher, du côté du bonheur, de l’équilibre, et de la connaissance de soi.
Maintenant que je cours le matin plus ou moins régulièrement, je sens bien durant la journée la différence d’état de forme entre celles qui ont été précédées par la séance running du matin de celles où je n’ai pas couru. Très majoritairement les journées où je suis claqué et moins vif sont celles correspondant à des journée off run. Un peu comme si l’exercice physique d’endurance jouait le rôle de starter. Concernant le point 3 je te rejoins et j’ai noté également que j’avais besoin de patienter au moins 20 à 30 minutes de course avant de ressentir un « état modifié de conscience » où effectivement les idées arrivent plus clairement.
Dimanche j’ai testé la marche nordique avec batons. C’est un excellent exercice d’endurance aussi. Et ce matin, les psoas bien endoloris, et un peu les triceps. Une autre manière de s’entrainer. Pour l’instant je n’arrive pas à doubler les joggers mais je vais y arriver 🙂
Bon j’ai un peu du mal à me la péter avec mon chrono 😀 et je ne réfléchis pas vraiment aux problèmes quotidiens en courant, j’ai bien plus tendance à les oublier et à ne ne penser qu’à ce qui concerne le running (entraînement/objectif), mais sinon j’adhère complètement, notamment à « vivre la musique différemment ».
Quand j’écoute mes musiques « combatives » alors que je suis assise devant mon bureau, ça me frustre un peu (beaucoup!), d’avoir envie de bouger sans pouvoir le faire, alors que les écouter en courant, quand rien ne me retient, je profite de ce moment privilégié dans ma relation avec la musique. C’est pour ça que je n’aime pas tellement courir sans musique, je peux le faire, mais j’apprécie pas autant.