Un petit post rapide sur un sujet qui me titille, avant que j’oublie.
Le cerveau humain est très bien adapté à la reconnaissance de motifs (patterns, en anglais) et à leur donner du sens . J’en avais une compréhension assez théorique, ayant lu ça dans plusieurs bouquins, notamment ceux de Pinker et de Kahnemann.
Je l’ai expérimenté récemment dans des contextes très différents.
Depuis quelques semaines je joue à des jeux de « brain training », sur le site de Lumosity
C’est assez rigolo, c’est un peu comme de faire de la muscu pour courir plus vite, là c’est de la muscu pour le cerveau pour éviter qu’il ne dégénère trop vite. Je vous le recommande d’ailleurs ; il y une certaine satisfaction à voir qu’on est dans le premier décile de sa tranche d’age, et une grosse prise de boules de voir qu’on est à peine dans la moyenne par rapport à un 20-25 ans. On a beau dire et faire, ça dégénère quand même … mais là n’est pas mon propos.
Un de jeux proposés est un damier sur lequel des carrés sont d’une couleur différente, affiché pendant quelques secondes, et qu’il faut reconstituer ensuite de mémoire. En général je cale à partir de 8*8 … mais j’ai remarqué que dès que les carrés sont organisés d’une manière que je peux trouver logique (en croix, en ligne, suivant un algorithme quelconque), la mémorisation est facile, alors que sinon c’est « bon, il y en a un en haut à gauche, deux en bas, un au milieu » et évidemment ça foire. On sent bien là que le cerveau met en branle une mécanique « donneuse de sens » et que dès qu’il y a du sens perçu et pas de l’aléatoire, c’est beaucoup plus facile à mémoriser : on mémorise la logique qu’on donne au motif au lieu de bêtes pixels de couleur différente.
Quand je ne suis pas assis le cul devant mon Mac, entre autres activités ludiques je cultive des plantes aromatiques : basilic, cerfeuil, persil … sans y prêter plus d’attention que ça. Quel rapport ?
L’autre jour, lors d’un de mes footings matinaux dans le parc de Saint-Cloud, j’étais tranquillement en train de courir en regardant autour de moi (non, je n’ai pas encore essayé de courir les yeux fermés, en tous cas pas dans les bois) et sans y faire particulièrement attention des plantes au pied d’un arbre avec une dentelure spécifique entrent dans mon champ visuel – et je pense immédiatement à du cerfeuil, comme celui qui est dans ma cuisine, sans que ce soit une pensée consciente, à l’insu de mon plein gré pourrais-je dire. Pattern recognition.
Il me semble évident du coup que cette capacité à mémoriser des motifs a été forgée par l’évolution. Savoir reconnaître une plante comestible – ou toxique – a sans doute été vital pour nos ancêtres, et fonctionne toujours, même si ça ne sert plus à grand chose aujourd’hui – ou a été détournée pour nous permettre, par exemple, de lire, et d’accéder à un monde symbolique, par exemple à travers l’art : l’émotion de voir un visage fait avec un ou deux traits.
Générer du sens, même là où n’y en a pas … la puissance et la limite de notre cerveau, sans doute.