La lecture simultanée de deux livres consacrés à l’entrainement en course à pied est en train de modifier fondamentalement l’importance que j’accorde aux exercices type « PPG » et « éducatifs » , et m’amène à une réflexion un peu plus générale sur la course à pieds, notamment par rapport aux autres sports.
Débutant
La course à pieds a ceci d’unique, en tant que sport, qu’elle ne nécessite aucune compétence spécifique pour démarrer. Tout le monde a couru (et court) dans sa vie, que ce soit pour jouer aux cow-boys et aux indiens à 10 ans ou pour attraper un train ou un métro quelques décennies plus tard. C’est une activité familière, instinctive (à la différence du vélo, par exemple), dont l’apprentissage fait partie des fondamentaux de l’être humain, au même titre que le langage, la marche, etc. Autre particularité : les épreuves sont ouvertes à tout le monde. Au Marathon de Paris on trouve les champions du monde et guerriers du dimanche sur (presque) la même ligne de départ.
Un jour pour une raison plus ou moins pertinente, perte de poids, recherche d’un peu moins de sédentarité, challenge personnel ou collectif, on se décide à « faire un peu de jogging », on va s’acheter une paire de pompes et hop, c’est parti. C’est sans doute le cas de 90% des coureurs – les autres ayant pu démarrer le sport à l’adolescence si ils avaient une appétence et/ou un talent particulier pour le sujet.
Parcours typique
D’abord courir n’importe comment : j’ai fait mon premier marathon en m’étant entrainé 3 mois 3 fois 20 minutes par semaine pendant deux mois … et souvent couru avec des gars nettement meilleurs que moi sans que je le sache, avec des séances complètes « dans le rouge » et rentrant avec la satisfaction d’une « bonne séance ».
Ensuite acheter quelques revues, ou à prendre des plans d’entrainement sur internet, et s’inscrire aux premières compètes et glaner des infos avec les potes.
Bien sur, les revue spécialisées insistent sur les échauffements et la PPG (préparation physique généralisée) mais cela a toujours un arrière goût de tours de pistes au collège et tant qu’à faire des choses structurées, c’est plus marrant de mettre la gomme sur du fractionné, et de voir ses progrès … que de faire des abdos ou des montées de genoux.
Donc on fait des progrès en vitesse, grande satisfaction, courses plus longues, charge d’entrainement plus élevée … et là … arrive la première blessure. Puis la deuxième, et du coup on se repose, avec une grande frustration, on repart, on se re-blesse, etc. On va chez le toubib, qui dit « reposez-vous » ou «vous êtes dingue de courir autant, à votre âge, normal que vous vous blessiez, faut mettre la pédale douce, là » ; ou vous prescrit des semelles et autres orthèses.
Moralité : 70 et 80% des coureurs réguliers se blessent au moins une fois par an !
Les chaussures amorties n’y ont rien changé, et le barefoot n’y changera rien non plus, le problème est ailleurs …
Eureka
Prenons une métaphore qui parle à tous, empruntée à Jay Dicharry – dans son excellent bouquin «Anatomy for runners ».
Dans une voiture, il y a un moteur et un châssis. Plus le moteur est puissant, plus le châssis doit être solide. C’est quoi notre châssis de coureur : nos os, tendons et muscles. Le moteur (le système cardiovasculaire), tout le monde le connaît et on sait assez bien comment l’optimiser. Mais le châssis ? On fait quoi pour le châssis ? En général : pas grand chose, voire rien du tout.
Moi je m’intéresse depuis des années au moteur et au carburant (glucides ? lipides ?) mais mon châssis ? Bof … En accumulant assez de bornes sans faire de conneries, ça devrait passer. Mais évidemment humain je fais des conneries : surentrainement sporadique, envie d’en faire toujours plus, et de passer en force sur des blessures ; j’ai mal mais ca va passer à l’échauffement, nom de dieu !
Bon, avoir un pote ultra-runner qui a tourné à l’ixprim pendant 6 mois pour pouvoir s’entrainer malgré ses douleurs n’est pas une très bon exemple, hein 🙂
Le geste technique de la course est limité : comparez avec la diversité des gestes d’un tennisman … Et répété … des milliers de fois. Une séance d’une heure à 180 foulées par minute, ça fait 10.800 foulées, ou 5.400 squats sur une jambe, sur chaque jambe, avec une stabilisation latérale entre temps puisqu’on va passer le poids de tout le corps d’une jambe sur l’autre : vous voyez le tableau. Ajoutons qu’à chaque foulée on prend 2,5 fois le poids du corps sur le système osseux et on comprend très vite deux choses :
- Quand on progresse en « caisse » (travail cardio) on va monter en pression sur le châssis et si on ne le travaille pas spécifiquement, il paraît logique qu’on se blesse.
- Il y a un geste technique à acquérir – et qui l’est d’autant plus qu’on a pris de mauvaises habitudes. La mémoire musculaire a la vie dure. Il faut faire un geste plusieurs milliers de fois pour « réinitialiser » la mémoire;
Ca peut paraître complètement évident mais pour moi ça ne l’était pas. Ayant regardé les infos sur la bonne posture de course dans « Power Speed Endurance » de Brian Mackenzie, et après de nombreuses remarques de Jean, l’entraineur x run, je me suis par exemple rendu compte qu’il fallait courir coudes serrés au corps, et parallèles au mouvement des jambes. Ce que je ne fais absolument pas. Bref : j’ai une « caisse » décente mais le reste ne suit pas.
Voici ma posture typique de bras :
Et la position recommandée dans « Power Speed Endurance » :
Quand à mon attaque de pied :
Courant Dimanche dernier dans le Parc de Saint Cloud je me suis amusé à regarder les autres coureurs : personne n’a un posture de bras correcte. Bon, vous me direz, ils s’en foutent sans doute. Mais quand même. Dans un club de tennis, tout le monde essaye de jouer le mieux possible non ? Et prend des cours ? Et surtout – essaye de ne pas se blesser !
Résumé
La course à pied est un sport technique, contrairement aux apparences. Il y a un travail à faire sur le geste, d’autant plus difficile à acquérir ou à modifier que les muscles ont la mémoire dure. Et qui peut impliquer de la musculation avec haltères, notamment pour renforcer le système tendineux. Travail à mon avis qui n’est pas faisable sans coaching externe, type x run, vu la difficulté qu’on a à se voir courir. Ou alors il faut avoir des potes patients avec une caméra vidéo …
Pour limiter les risques de blessure, il faut sans doute passer beaucoup plus de temps qu’on ne le fait en général à faire des exercices spécifiques pour renforcer les muscles utilisés pour la course. Surtout si vous augmentez vos performances et votre charge en kilomètres.
Le repos après blessure est contre productif et fragilise le corps. Réduction de charge et changement d’exercices, oui, arrêt complet, non.
J’en suis là pour l’instant … maintenant il va falloir faire les exercices, et ça dans la durée. Déjà faire du Stanish tous les jours pour mes tendons récalcitrants …
Références :
Jay Dicharry « Anatomy for Runners »
Brian MacKenzie « Power Speed Endurance : a skill based approach to endurance training »
Je mets les liens sur amazon.com car il y a plus de commentaires clients, mais les bouquins sont trouvables sur le site français, version kindle.
Tout a fait d’accord avec beaucoup de points de cet article d’autant + que je connais très trés bien cet ultra runner qui a couru 6 mois et + avec de l’Ixprim qui masquait la douleur mais ne réglait pas le souci, lol
J’ajouterai en supplément que pour durer il faut varier , et travailler d’autres chaines musculaires que celles nécessaires a la cap , c’est souvent la clé de la longévité
Une belle sortie vélo remplace bien des kms !!!! A méditer
Un petit truc très simple pour le trajet des mains c’est d’imaginer une ligne imaginaire allant du milieu du pectoral à la hanche et s’obliger à déplacer sa main sur cette ligne. Pour confirmer la rectitude du geste, amusez-vous à courir avec une chaussure dans chaque main. Normalement le geste est alors plus aisé quand les mains suivent justement la bonne trajectoire. Je tire cela d’un bouquin plutôt complet sur le sujet que je peux conseiller (je suis pas le seul- voir commentaires sur amazon) : courir leger – lightfeetrunning (l’auteur cite d’ailleurs Dicharry au sujet de l’importance des fessiers.) A ce sujet, comme le dit le bouquin, quand les mollets trinquent, c’est souvent qu’on n’utilise pas bien le vrai moteur du coureur (fessiers, abdos, tronc….). Yes, running is definitely a skill!
Merci pour le lien vers un autre livre dont je n’avais pas entendu parler ! Par contre je ne comprends pas l’idée de la ligne imaginaire, elle est verticale, horizontale ou à 45 degrés entre le pectoral et la hanche ? Il va falloir que j’achète le livre 🙂
Euréka !!!!
Cet article vient de confirmer une idée que je ne me suis faite que récemment !
Merci
Yapluka !!!!
Mais encore ? 🙂
Tout simplement que je ne fais jamais de PPG et c’est un tord et sans doute la raison de mes anciennes blessures. Je dois donc absolument m’y mettre.