Parlons un peu du semi de Boulogne.
Ca fait 3 ans que je fais ce semi, j’ai fait 1:50 il y a deux ans, 1:40 l’an dernier … et donc un peu moins d’1:30 cette année.
Entrainé pour le marathon de NY en 3:30 ( qui reste à réussir …), 1:34 au semi de Paris en Février et un peu moins d’1:30 au 20K de Paris. 4 kilogrammes de moins et quelques mois d’entrainement devraient permettre de gratter quelques secondes, voire minutes. Un semi en moins d’1:30, ça veut dire 4:15 au kilo, un peu plus de 14,1 km/h de moyenne. Sur 21 kilomètres. Vitesse que je tiens facile sur des 3*3000 – mais 21 k ? je l’ai déjà fait, certes, mais il y a plus de 15 ans … en toute inconscience.
Etat intérieur un peu ambigu – objectif atteignable, mais grosse marche par rapport à ma dernière course. Les secondes au kilomètres ne se gagnent pas de manière linéaire.
La veille, lors de l’entrainement X-Run : je discute avec Carmen qui tourne au semi en 1:14. Son conseil : « Il faut que tu aies mal à partir du 15ème kilo, et sur les trois dernier, ça va être vraiment dur ». Fida’a m’avait un peu toisé – « Hmmm … 1:30 ? t’es sur ? tu fais combien au 400 ? »
Je ne suis pas hyper-compétitif, dans la vie comme dans une course. Je m’arrête aux entrainements avant de dégueuler. Rationalisation : je n’ai pas envie de mourir d’un infarctus pour gratter quelques secondes sur une course, mais c’est une fausse barbe. Vraie angoisse à sentir la limite maximale, d’autant plus qu’il n’y a pas un tigre aux dents de sabre qui me court derrière et que ma vie n’est pas en danger. L’organisme est prudent et toujours focalisé sur l’économie d’énergie et la préservation, donc pour pousser à fond il faut vraiment une bonne raison. Bref. Je ferai un post sur la muscu un de ces jours, sur le thème des répétitions jusqu’à l’échec …
La veille au soir je mange des pâtes, histoire de faire le plein de glucides.
Le matin, grosse douleur à la cheville gauche, qui ne s’est toujours pas remise de mes excès barefoot cet été. Je peux à peine poser le pied par terre. J’ai couru très vite pendant 5 minutes la veille (3:28 au kilo) , malgré la glace, j’ai sans doute un peu forcé. Quel con ! Comment je vais tenir 21 bornes ? Envie de retourner me coucher… Ce type de douleurs peut passer assez vite après le réveil … ou devenir intenses et intolérables à l’effort.
Après avoir avalé deux cafés, je me prépare une boisson à base de « superstarch« , produit révolutionnaire qui permet de stocker les glucides sans pic d’insuline … sur un semi c’est peut être un peu too much mais ça ne peut pas faire de mal. Et je verrai bien si j’arrive à le digérer.
Programmation du GPS pour avoir la cadence instantanée, moyenne au kilo , et la vitesse depuis le début de la course. Pas de fréquence cardiaque, histoire de me fier à mes sensations et de ne pas m’auto-censurer … Ca m’avait pas mal réussi au semi de Paris, et j’ai pris ma décision : je vais partir à 4:15 au kilo, et essayer de tenir jusqu’au bout. Si ça explose, on verra.
Je retrouve Thierry … mon mentor, pour une petite photo motivationnelle 🙂
Préparation indispensable – le découpage du sac poubelle pour ne pas avoir trop froid en attendant :
En vrai avant la course c’est plutôt comme ça :
Bonne nouvelle, il y a des meneurs d’allure. Je suis dans le sas 1:30, je me rapproche du gars au drapeau(un p’tit jeune tri-athlète qui tourne au marathon en 2:40 …) et je vais lui coller au train sans me poser de questions. Il pleut mais il ne fait pas froid; Suzana est là et m’encourage – go for it.
Flottement habituel avant le coup de pistolet et … c’est parti. Ma première perception : c’est rapide !!!
Il faut que je fasse un effort conscient pour coller au train. Pas violent, mais un effort quand même. Sur 2 3 kilos ça va aller, mais sur 21 ??? Je ravale mes états d’âme et essaye de me concentrer sur les fondamentaux : foulée, posture, mouvement des bras, être fluide et « dedans »; je me permets de papoter un peu avec mon camarade au drapeau. Bien dans son rôle, comme Thierry lors du marathon de NY – concentré , aller à la bonne vitesse mais pas trop – « on est bien, on est bien ». C’est difficile de respecter une allure ! Et la capacité de calcul mental diminue assez vite avec le déficit d’oxygène …
Les kilomètres s’enchainent assez facilement. Le parcours est super roulant. Juste des flaques d’eau pas toujours faciles à éviter, comme je cours sans chaussettes de toute façon j’ai déjà les pieds trempés. Des grappes de coureurs à dépasser, et toujours le drapeau. Des fois juste derrière, des fois à droite ou à gauche, ou … devant; je reste libre sur l’allure et essaye d’être détendu. Mal nulle part, pas de crampes, pas de point de côté. C’est bon : tenir une allure soutenue sans douleur est un grand plaisir. Pluie, vent, peu m’importe. Chaque kilomètre pris me rapproche de l’arrivée. Notre allure est très régulière : à part un ralentissement entre le 9ème et le 10ème, nous sommes entre 4:10 et 4:15.
Le meneur s’arrête au 11ème (il a un marathon la semaine suivante …) et est remplacé par un lièvre tout frais. Qui met le turbo et nous fait avaler les 3 kilomètres suivants en 4:06 : on lui fait gentiment remarquer et il se calme. Je flippe, ça va se payer à la fin, mais on est déjà au 15ème. Mon chemin de croix doit commencer mais si je suis arrivé jusque là … 6 bornes c’est 3 plus 3 dont une qui ne compte pas parce que c’est la fin, donc c’est jouable.
Je ne pense plus à rien … d’autre que la fierté que j’éprouverai si j’arrive à finir cette putain de course en moins de 1:30 et j’essaye de me visualiser à l’arrivée. Quand je pense trop, je ralentis et je me force à coller au train du meneur, voire à le dépasser de temps en temps. C’est la partie avec le pont de Sèvres, donc en plus il y a des côtes. Accélération dans les descentes. Je retrouve Lapin qui a l’air d’en chier grave (il a fait un marathon la semaine précédente …), mais qui tient. Je le passe au bout de quelques centaines de mètres, profitant lâchement de la situation.
Vers le 17ème je retrouve un des clients que j’ai invité, qui jure comme un charretier parce qu’il a des crampes. Je mesure mon bonheur, l’abandonne à son triste sort, et continue à suivre mon meneur d’allure.
Il reste 3 bornes et je suis dans les clous. Merde, je vais y arriver !
Un 3.000, j’ai fait ça tellement de fois. Un p’tit test VMA. Je peux le faire !!!
Passant devant l’immeuble Canal au 20ème kilo je jette ma gourde (qui m’a permis de ne pas m’arrêter aux ravitaillements) en me disant que je la retrouverai plus tard, et que finir sans rien va être un peu plus facile. Km 19 et 20 en 4:07 et 4:10 au kilo.
Je n’ai pas mal. Km 20 en 4:01. C’est fini, il reste un gros un kilomètre, c’est rien : deux fois 400 et 200. Deux tours de piste 1/2. Vive les maths :-). J’accélère. Je peux peut-être faire 1:29 ? Juste l’idée de savoir qu’il reste à peine une ou deux minutes et l’instinct du chasseur pour remonter quelques places dans le classement.
A 100 mètres de l’arrivée Suzana est sur la gauche et hurle – j’ai les larmes aux yeux, on est en général assez émotionnel près de l’arrivée … Je vois les gros chiffres du compteur officiel 1:29 ha ha ha c’est bon j’y suis. 300 derniers mètres en 3:47, coeur au bord des lèvres mais ça tient. Je passe en 1:29:45 – temps réel 1:29:26.
Ca me met 50ème sur 555 dans ma catégorie – premier décile et 593 sur 5000 au classement général.
Après analyse de la FC, j’aurais sans doute pu gagner une poignée de secondes : j’arrive à une FC de 180 au dernier kilo et je ne dépasse pas 182 à l’arrivée alors que je peux monter à 185. Et je n’ai pas eu de courbatures le lendemain, jusque les chevilles un peu raides.
Mais bon, on ne va pas bouder notre plaisir. Et planifier le prochain en 1:28 ?
Plus de photos … quand j’en aurai !
I am amazed with the amount on things you are thiking as you do the race! I am happy it went well and no major pains. Hearbeat was good so you can now try and rain for 3:15 Paris Marathon. And yes, I will be there to cheer you on!
I’m amazed tout court !
Oui c’est remarquable comme performance. Bravo à toi, tu le mérites et j’ai été témoin de tes efforts pour y arriver !
Merci pour ton commentaire. La performance est toujours relative, et je n’ai pas fait tellement d’efforts pour avoir mes gènes, notamment la quantité de mitochondries que j’ai, directement hérité des gènes maternels. Mais je suis fier quand même … et j’ai envie de faire mieux 🙂
Bonjour
J’ai une question : comment fait tu pour pouvoir faire ainsi un compte rendu aussi détaillé?
Moi, à l’arrivée d’une séance, j’ai juste un souvenir « global » mais pas détaillé
Tu prends des notes vocales pendant la course?
Heu non.Je suis un geek mais pas à ce point. Par contre j’ai l’habitude de courir sans écouter de musique et du coup je suis super à l’écoute (décidément passé minuit les jeux de mots involontaires fusent !) et dans une espèce de mode méditatif qui fait que je suis super concentré sur mes sensations. Et aussi parce que j’ai toujours peur de la blessure, donc je suis hyper attentif à tout ce que je ressens. Et évidemment je vais le compte rendu très vite après la course !